Fabien Cloutier, Sébastien Huberdeau, Bianca Gervais et Marie-Hélène Thibault brillent à la télé dans des rôles secondaires qui leur valent des sélections aux Gémeaux cette année. S'ils gagnent un prix demain, les téléspectateurs ne les verront pas triompher au petit écran, leur catégorie étant reléguée à l'avant-gala, en après-midi. La Presse a rencontré ces quatre interprètes pour comprendre leur plaisir d'être «bons deuxièmes».

Qu'est-ce qu'un rôle de soutien?

Marie-Hélène Thibault: Le rôle de soutien est un écrin qui sert à mettre en valeur le premier rôle.

[Tout le monde rit.]

Fabien Cloutier: Sérieusement, c'est souvent les personnages par qui les problèmes arrivent ou c'est l'équipier important. Ils sont souvent pas mal le fun! Tu es l'ennemi ou le meilleur ami. Et si tu es le frère, le scénariste va avoir à trouver une couche qui sort de la normalité.

Bianca Gervais: Ils sont souvent plus colorés, beaucoup moins linéaires [que les premiers rôles]. C'est très jouissif de jouer un rôle de soutien. Tu as comme un petit «nanane», des «air lousses», une permission ou un dé de plus au jeu.

Sébastien Huberdeau: Il va aussi y avoir, en condensé, beaucoup, beaucoup de choses à jouer. Par exemple, tu regardes Kevin Spacey dans Seven: c'est débile ce qu'il fait. Pourtant, il n'est là qu'une scène et demie. C'est un rôle de soutien, mais il marque les esprits.

C'est vrai que ces personnages peuvent autant marquer les esprits que le rôle principal. Tu me disais, Fabien, que dans Les beaux malaises, tu n'as fait que cinq épisodes en trois saisons. Comme spectateur, on dirait que tu en as fait beaucoup plus.

Sébastien Huberdeau: Oui, c'est sûr que nous pouvons autant marquer. Regarde sur Ruptures: Bianca et moi avions des scènes vraiment heavy, dont des scènes de viol. À la télévision québécoise, à 20h30, ce n'est pas fréquent.

Bianca Gervais: Je n'ai jamais eu autant de commentaires du public et de l'industrie. J'ai reçu des tonnes de lettres de jeunes filles qui ont été agressées. C'était une charge lourde à porter. Alors que Sébastien a sûrement été un «mangeux de marde» pour bien des gens.

Sébastien Huberdeau: Oh oui! Il y a même une enseignante qui m'a envoyé une lettre de bêtises. Elle ne faisait pas la différence entre la fiction et la réalité. C'est troublant, ça! Mais moi, je ne discute pas avec ces gens-là, parce qu'il n'y a pas d'arguments rationnels qui peuvent venir à bout de ça.

Peut-on être aussi fier d'une carrière sans avoir eu de premier rôle?

Marie-Hélène Thibault: J'ai l'impression que je m'enligne pour ne faire que des seconds rôles, mais, des fois, le second rôle est important, comme Sophie à côté de Catherine [dans la série Catherine]. Je ne rêve pas d'un premier rôle. Par contre, lorsque les équipes sont vraiment agréables, je rêve d'avoir beaucoup de jours de tournage pour vivre l'esprit de famille au maximum. Dans ces moments-là, quand je vois une comédienne qui a plus de jours que moi, je la trouve chanceuse. Mais pas pour mettre «rôle principal» dans mon curriculum vitae.

Bianca Gervais: D'après moi, la grande fierté dans ce métier est de perdurer. Ce n'est pas d'avoir sa face sur l'affiche, mais d'avoir une carrière remplie sur le long terme et sans grande période d'accalmie. Avec des défis qui surprennent et déstabilisent. Le rôle de soutien permet souvent ça, de trouver de nouvelles couleurs et de se dépasser.

Fabien Cloutier: Le fantasme du premier rôle, je n'ai pas ça. Je lis le projet et, si ça m'intéresse, j'ai envie de porter ça. De la même façon que lorsque j'ai fait des spectacles solos, ce n'était pas dans le but d'être seul sur scène. Je ne me disais pas: «Enfin, j'ai toute la place! Enfin, ce sera écrit numéro 1 à côté de mon nom!» Tu as quelque chose à dire et tu y vas. Peu importe le projet ou la grosseur du rôle.

Pour Ruptures, vous ne saviez pas au départ que vos rôles allaient prendre autant d'ampleur et que vous seriez encore là dans la deuxième saison.

Sébastien Huberdeau: C'est vrai que nous ne savions pas au départ que nous allions revenir. L'intrigue de la première saison pouvait très bien se boucler comme ça, même si c'était une intrigue ouverte. C'était une belle surprise.

Fabien Cloutier: C'est énorme ce que je vais dire, mais j'ai l'impression qu'à l'occasion, on peut dépasser l'auteur. Parce qu'on donne une couleur à notre personnage que l'auteur n'avait pas vue et c'est en nous voyant qu'il peut avoir une idée pour la deuxième et troisième saison. Ensuite, tu deviens une nourriture, une inspiration pour l'équipe de création. Ils écrivent en fonction de ce que tu as donné.

Marie-Hélène Thibault: Bien humblement, je pense que c'est ce qui m'est arrivé sur Toi et moi et Le gentleman. Ils ont vu quelque chose qui a fait que mes personnages ont eu plus de chair autour de l'os au cours des années. La première année de Toi et moi, j'avais trois jours de tournage, dont un où je regardais ma soeur se marier. Ouf, c'est mince! [Tout le monde s'esclaffe.] Et finalement, les auteurs lui ont créé sa propre vie, ils ont eu envie de développer le rôle.

Fabien Cloutier: C'est pour ça que je pense que même si un acteur vient tourner juste une journée sur un projet, ce n'est jamais fermé. Il y en a qui arrivent sur le plateau et ça connecte avec l'équipe. Ensuite, les auteurs se disent: attends, on va lui ajouter des scènes.

Bianca Gervais: Bon, on continue la discussion, dimanche, autour d'un verre de bulles?

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Sébastien Huberdeau, Bianca Gervais, Fabien Cloutier et Marie-Hélène Thibault