Dans les années 70, le père de Peter Lenkov regardait religieusement chaque épisode d'Hawaii 5-0. Il était loin de s'imaginer que son fils allait redonner vie à cette série balnéaire. Maintenant bien établi à Hollywood comme producteur, Peter Lenkov était à Montréal la semaine dernière pour donner un cours de scénarisation à l'Université Concordia. La Presse l'a rencontré.

Vous avez grandi à Laval. Quand avez-vous tenté votre chance à Los Angeles?

J'ai commencé l'université en science politique à McGill, puis j'ai changé pour le programme de cinéma à Concordia. Mon père voulait que je sois avocat, mais ça ne me tentait pas du tout. Un ami m'a parlé d'un cours d'été de scénarisation à l'Université de Californie à Los Angeles. J'ai emprunté de l'argent à mon père, mais finalement j'ai suivi seulement trois des six semaines de cours. J'ai trouvé un emploi dans une maison de production, en dessous de la table parce que je n'avais pas de permis de travail. Heureusement, c'était sur la même ligne d'autobus que mon appartement; je n'avais pas d'argent pour une voiture.

Avez-vous toujours voulu être producteur?

Enfant, je voulais écrire. Quand il faisait froid l'hiver, je passais mes journées à lire des comics dans notre maison de la 101e Avenue [à Chomedey]. Chaque fois que j'entends une déneigeuse, ça me rappelle que ç'a toujours été ma passion.

Est-ce que le fait de grandir dans une ville bilingue a influencé votre travail de producteur ou de scénariste?

Ça m'a certainement permis de travailler dans plusieurs langues, notamment sur des coproductions entre le Canada et la France. Un passeport canadien est très utile en télévision. Je dirais que grandir dans une ville aussi riche en culture que Montréal m'a aidé à raconter des histoires. J'adore L.A., mais c'est une ville plus nouvelle que Montréal ou New York. Il y a moins de racines...

Comment en êtes-vous venu à produire Hawaii 5-0?

CBS m'a demandé de m'en occuper. Ça avait une signification particulière pour moi. Mon père l'écoutait toutes les semaines; c'était très important pour lui, particulièrement l'hiver. Il se sentait transporté dans une place magique. J'ai voulu faire une série qui plaise à des gars comme mon père. C'est d'ailleurs la série dont je suis le plus fier. Habituellement, un remake dure une, deux saisons. Nous en sommes à la huitième. Je suis confiant que le remake de MacGyver, dont je m'occupe aussi, va avoir autant de succès. Nous en sommes à la deuxième année.

Quel est le secret du succès d'Hawaii 5-0?

Le choix des comédiens et l'histoire des personnages. Les téléspectateurs sont de plus en plus exigeants pour la complexité des personnages. Il faut qu'ils aient plusieurs niveaux, des secrets.

A-t-il fallu faire des changements au chapitre des stéréotypes raciaux ou sexuels?

Évidemment. Nous vivons dans un monde où la diversité est plus acceptée. Nous faisons, par exemple, un rite traditionnel hawaiien à chaque début de tournage.

photo fournie par cbs

Peter Lenkov fait visiter les lieux de tournage de Hawaii 5-0 à des critiques de télévision.

Vous avez vécu les changements qu'ont entraînés les séries audacieuses de HBO au début du millénaire, et maintenant celles de Netflix ou Amazon. Quel a été le chambardement le plus important?

Je dirais la fin de l'écoute en direct, ainsi que l'écoute sur plusieurs appareils. Je vois ces changements comme des occasions d'aller plus loin dans la sophistication des scénarios. Dans les années 80, on se contentait de gadgets comme des voitures qui parlent. Maintenant, il faut avoir des personnages et des intrigues solides. On retourne à la base de l'art de raconter une histoire. Parallèlement, les quelques séries qui sont suivies en direct par beaucoup de téléspectateurs - comme Hawaï 5-0 qui fait neuf millions - sont précieuses pour les publicitaires. Toute cette concurrence entre les chaînes traditionnelles comme CBS, le câble et les services comme Netflix crée une manne pour nous. On est rendu à 10 millions US par épisode pour des séries comme Westworld. Je dis souvent à mes étudiants que c'est un âge d'or pour les scénaristes. Ils n'ont même pas à quitter Montréal pour faire fortune, tellement la demande est forte pour de bonnes histoires.

Hawaii elle-même est importante pour le succès de la série. Plusieurs observateurs avancent que les lieux où se déroulent les séries constituent maintenant un personnage à part entière, par exemple la Louisiane pour True Detective ou le Minnesota pour Fargo. Qu'en pensez-vous?

C'est vrai. On prend de plus en plus de soin à bien choisir le lieu d'une série. Souvent, le lieu va donner le ton de l'histoire. Pas pour toutes les séries; on va souvent aller à un endroit qui offre des incitatifs fiscaux. Évidemment, pour Hawaii 5-0, nous soignons beaucoup notre lien avec les îles. Nous faisons chaque année une grande première à Hawaii.

Avez-vous déjà filmé à Montréal?

Non, mais j'aimerais beaucoup cela. J'adore marcher ici, regarder l'architecture. Partout ailleurs, on a l'habitude de démolir et de construire du neuf, mais ici, on a gardé tellement d'immeubles du passé. Il y a peu d'endroits comme Montréal pour un scénariste ou un producteur.

Avez-vous déjà regardé des séries québécoises?

Non. La seule série canadienne dont je me souviens de mon enfance est The Beachcombers. Je regardais aussi Rocket Robin Hood, une série animée canadienne.

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La saison 8 d'Hawaii Five-0 sera diffusée à CBS dès le 29 septembre; Séries+ offre la saison 4 de la série en version française du lundi au mercredi.

Photo fournie par CBS

Scott Caan et Alex O'Loughlin dans Hawaii 5-0