Les chroniqueurs télé ont l'habitude de jaser avec les patrons de programmation. Cette fois, je me suis assis une bonne heure avec Dimitri Gourdin, vice-président exécutif, stratégie et communication de Groupe V Média, en poste depuis décembre dernier. Un gars d'image, qui a fait toute sa carrière en stratégie d'affaires et en marketing, et qui donne des conférences. Le genre dont doivent se méfier les journalistes.

Mon but n'était pas de le piéger, mais de comprendre où s'en allait V. Parce que la chaîne a fait parler d'elle surtout de façon négative ces dernières semaines. Sa décision de retirer à la sauvette les jeux Taxi payant et La guerre des clans a fait croire qu'il n'y en avait plus que pour Occupation double Bali, la production la plus coûteuse de l'histoire de la chaîne, en ondes dès l'automne. Une interprétation erronée, selon Dimitri Gourdin, qui se défend de mettre tous ses oeufs dans le même panier. «Ça n'a rien à voir, me dit-il. Nous sommes dans le top 3 des années où on injecte le plus d'argent dans notre programmation. Dans nos chaînes spécialisées, on augmente le budget de programmation de 40 % »

Pour le 5 à 7, on a dû choisir entre Coup de foudre et La guerre des clans. C'est la première qui a gagné, entre autres pour ses meilleurs résultats d'auditoire. 

«On ne peut pas laisser un show en ondes s'il ne performe pas en cotes d'écoute ou s'il ne se commercialise pas. C'est une business ici, et si on ne fait pas de profits, on ferme la shop. Je n'ai pas les 450 millions de Radio-Canada.»

Alors qu'Alexandre Barrette a appris la fin de Taxi payant avec philosophie, Jean-François Baril a beaucoup plus mal réagi au sujet de La guerre des clans, en ondes depuis la naissance de V en 2009. D'autant que des tournages étaient prévus et que des concurrents étaient déjà convoqués.

La nouvelle a fait boule de neige, et une pétition a été lancée pour réclamer le retour du jeu à l'antenne. À l'automne? C'est peine perdue. «On n'a jamais dit qu'on ne reviendrait jamais avec ces deux émissions. Pour La guerre des clans, on est toujours en négociation avec le détenteur du format», affirme Guylaine O'Farrell, directrice générale, communications et marketing, aussi de la rencontre. Mais on pense que le public qui regarde Coup de foudre risque de mieux s'arrimer à celui d'Occupation double. V reconnaît que les équipes ont appris très tard que leurs émissions ne revenaient pas à l'automne, une situation qu'elle attribue au dévoilement tardif des nouvelles conditions de licence par le CRTC.

Ces dernières années, Groupe V Média a remercié plusieurs dizaines d'employés. Dimitri Gourdin explique que l'entreprise a fait face à des écueils financiers importants, qui ne sont pas visibles pour le public. «On est passé à un système de mise en ondes entièrement automatisé, ce qui a nécessité des investissements majeurs. On double aussi le budget de marketing, pour supporter nos chaînes et donner à la franchise OD tout le succès qu'elle mérite.»

Comme tous les médias, V doit aussi composer avec l'inquiétante baisse des revenus publicitaires. M. Gourdin n'est pas tendre à l'endroit des Netflix de ce monde, qui grugent les ressources financières des diffuseurs québécois. «On se tire une balle dans le pied en leur donnant autant de visibilité. Ces gens-là nous tuent présentement. Il y a zéro richesse qui circule dans l'économie du Québec avec ce système-là. Dieu merci, Netflix sous-performe au Québec, à cause de la pauvreté de son offre francophone.» Ironiquement, Groupe V Média a acheté Orange Is the New Black pour sa chaîne Max, une série du catalogue de Netflix.

Du jamais vu et un nouveau MusiquePlus

Dans ce contexte, V s'affaire à trouver des moyens pour moins dépendre des revenus de la publicité et du nombre d'abonnés. «Les géants du numérique constituent une opportunité pour un groupe de télé comme nous. Snapchat a signé une entente avec une dizaine de diffuseurs américains. Il y a une avidité pour les contenus télé.» Un effort considérable est aussi déployé pour l'intégration des émissions sur les réseaux sociaux, et une annonce importante sera faite bientôt au sujet d'Occupation double Bali. «On va mettre la barre haut. Des choses qui ne se sont jamais faites», promet-il.

V, qui pense maintenant en termes de groupe de télé, a misé beaucoup sur Max, anciennement MusiMax, qui a triplé ses parts de marché depuis sa conversion, avec des titres comme Lucifer, Amour, si affinités et Younger. «On veut pouvoir dire que les meilleures séries de calibre mondial en français sont sur Max et on travaille fort là-dessus», affirme Dimitri Gourdin.

Devinez quoi? MusiquePlus risque encore de changer. Pour la énième fois, on pense à lui trouver un nouveau nom. «Ça fait partie de notre réflexion. Comme nous ne sommes plus tenus de diffuser des vidéoclips, on va continuer à soutenir l'industrie musicale différemment, mais on se demande s'il faut revoir le nom de la chaîne. MusiquePlus devra se réinventer», explique M. Gourdin. En passant, oubliez Lip Sync Battle: face à face, l'émission a officiellement été jetée au panier. La première saison avait cartonné, la seconde, beaucoup moins.

Alors que Séries+ vient de laisser tomber des projets de séries québécoises, il n'est pas question pour Max d'investir dans des productions originales. Après Ces gars-là et l'éphémère Ça décolle!, aucune fiction québécoise n'apparaît à la grille d'automne de V non plus. Des projets de comédies et de séries d'enquête ont atterri sur les bureaux du diffuseur, mais il n'y a rien de concret pour l'instant. Par contre, on annonce sur V la version française de Timeless, la série de NBC avec Abigail Spencer, sur des terroristes qui s'emparent d'une machine à remonter le temps.

Les premières auditions d'Occupation double, qui se poursuivent en fin de semaine à Québec, annoncent une plus grande variété de candidats cet automne, ce qui est en soi une bonne chose. «L'arrivée de Jay Du Temple [l'animateur de l'émission] amène une tout autre clientèle», affirme Guylaine O'Farrell. Sachez que quelques candidats de Célibataires et nus Québec se sont présentés, dont le fameux Loïc. Imaginez.

En guerre contre Olivier Primeau

Ça se corse entre Olivier Primeau et Groupe V Média, dont la station MusiquePlus diffusait l'émission Beach Club durant la dernière saison. Non contente que Primeau parte avec son projet à TVA, comme l'annonçait La Presse le mois dernier, V lui a rappelé par des mises en demeure qu'il avait un contrat de deux ans à respecter.

Le site Showbizz.net a révélé mercredi que V compte bien s'assurer que le propriétaire du Beachclub de Pointe-Calumet ne développe pas le projet chez un autre diffuseur avant la fin du contrat. À moins d'une entente, le club à ciel ouvert restera libre de caméras encore une année.

Chez V, Dimitri Gourdin, vice-président exécutif, stratégie et communication, ne cache pas son mécontentement. «On va se le dire: on a mis au monde Olivier Primeau, le personnage public. On a aussi beaucoup investi en lui. Si je devais chiffrer ça en dollars, il y aurait pas mal de zéros. Et c'est ce qu'on a comme retour de balancier? Dans le cadre d'un contrat, je suis désolé, mais tu respectes ton contrat. Nul n'est censé ignorer la loi», dit-il.

Dans les faits, la série Beach Club est née sur la chaîne Z, dont le directeur de la programmation était Jacques Mathieu, maintenant à V. Mais c'est véritablement sur MusiquePlus que la formule a pris son envol.

Aussi animateur de Beach Day Everyday sur Énergie à Québec, Olivier Primeau pourrait-il faire volte-face et ramener sa série sur MusiquePlus? Ce serait bien étonnant, d'autant plus que la chaîne a déjà dans sa manche un nouveau docufiction pour l'automne, qu'elle devrait annoncer prochainement, révèle Showbizz.net. Olivier Primeau n'a pas rappelé La Presse.