En cet âge d'or des téléséries, La Presse décortique chaque semaine une série qui vaut le coup d'oeil.

Le créateur

Il s'appelle Genndy Tartakovsky. D'origine russe (pour l'anecdote, son père était dentiste pour l'équipe soviétique de hockey), il arrive aux États-Unis à 7 ans après que sa famille a quitté l'URSS pour fuir l'antisémitisme. Quand La Presse a rencontré ce géant en 2012, au moment de la sortie d'Hotel Transylvania (qu'il a réalisé, comme ses suites), il est revenu sur ce qui l'a poussé à créer Samurai Jack: «Les cartoons américains d'action manquaient de drame et de combats. Et ils n'étaient pas assez cool.» Il y a remédié, et pas qu'un peu. Sa série est sans complaisance, sombre, sérieuse. Dramatique à souhait. Pleine de combats. Et très, très, très cool. C'est d'ailleurs Jack qui lui a ouvert les portes de Star Wars, puisqu'il a créé, écrit, produit et réalisé (de 2003 à 2005) l'excellente série animée Clone Wars. Son nom - et son talent - sont aussi associés à The Powerpuff Girls, Dexter's Laboratory, Tiny Toons Adventures, Sym-Bionic Titan, Batman: The Animated Series. Et à l'envol de l'animation moderne en 2D.

L'histoire

Le point de départ de la saga semble réaliste - Jack est fils d'empereur dans un Japon féodal - avant de bifurquer dans la science-fiction et le fantastique: le démon Aku expédie le samouraï dans un futur post-apocalyptique où les hommes ploient l'échine devant des robots créés par Aku et extraterrestres. D'épisode en épisode, Jack, armé du sabre de son père qui, seul, peut terrasser le démon, tente de retourner dans son époque afin d'y vaincre Aku et, ainsi, sauver le présent et le futur. Cette cinquième saison, qui ne fera que 10 épisodes au lieu des 13 habituels, commence 50 ans après le début de l'exil du samouraï. «Cinquante années ont passé mais je ne vieillis pas. Le temps n'a plus d'effet sur moi. Mais la souffrance continue. De sa poigne, Aku étouffe le passé, le présent et le futur. Tout espoir est perdu. Je dois retourner, retourner dans le passé», énonce la voix de Phil LaMarr, qui est celle de Jack. Ainsi s'ouvre chaque épisode de cette saison plus sombre, portée par un samouraï instable, sur le point de craquer, aux prises avec des démons de moins en moins intérieurs.

Les personnages

La «malédiction» de Jack faisant que, d'épisode en épisode, il se déplace dans le temps et les lieux, la route du samouraï croise celle de nombreux personnages. Mais il y a aussi quelques constantes. Aku, d'abord, dont la voix distinctive était celle de Mako Iwamatsu pendant les quatre premières saisons. L'acteur étant mort en 2006, Greg Baldwin a repris le flambeau pour le dernier tour de piste - puisque, (sur)naturellement, le démon est toujours présent. En cette ultime saison, il a envoyé celles que l'on appelle «les filles d'Aku» à la poursuite de Jack. Elles sont sept. Identiques. Jusqu'à ce que leurs personnalités émergent... chez les survivantes. Car Jack les combattra, en tuera plusieurs et plongera ainsi plus profondément dans la noirceur: auparavant, il n'avait jamais tué d'êtres humains. Bien sûr (et heureusement!), The Scotsman, The Omen, The Emperor et les Woolies font des apparitions. Oh, et Ashi s'installe. Elle est l'une des filles d'Aku. L'ennemie. Puis... plus vraiment. Le bout du tunnel et de la folie où s'enfonce le samouraï?

Le style

Samurai Jack est, entre autres, né de la fascination de Genndy Tartakovsky pour la culture samouraï et le code bushido. Et puis, bien avant les Hunger Games et Divergent d'aujourd'hui, il faisait ce rêve récurrent de se retrouver dans un monde post-apocalyptique, armé d'un sabre. Le fond et la forme de la série sont là. Elle évoque à la fois le cinéma des années 70, les films de Kurosawa et, bien sûr, les Ronin de Frank Miller. Visuellement, on note les prises de vue inusitées et surprenantes, les personnages sans contours extérieurs qui se déplacent dans des décors rappelant ceux des «vieilles» séries d'animation produites chez Hanna-Barbera par exemple. Le style graphique est ici naïf, là très élaboré. Les dialogues sont minimaux, mais tout ce qui les entoure est au service de la narration: la mise en scène, les cadrages et les chorégraphies des combats sont hallucinants; la musique et le bruitage, très présents; la palette de couleurs, vivante. Le résultat mêle l'action à l'humour (souvent absurde), le drame intérieur aux conflits épiques; et sur l'ensemble plane une poésie à la Ghibli. Bref, un régal.

La cinquième saison de Samurai Jack est diffusée sur Adult Swim de Cartoon Network et disponible sur iTunes.

Image fournie par Adult Swim

The Scotsman

Image fournie par Adult Swim

The Omen