Véronique Cloutier gère elle-même ses réseaux sociaux. Tout en poursuivant la tournée sur scène des Morissette, en supervisant le lancement en février de sa chaîne web Vero.tv et en préparant sa nouvelle émission hebdomadaire (en direct dès le 11 janvier à Radio-Canada). Votre beau programme sera un mélange de talk-show, de numéros de variétés et de commentaires sur des sujets qui l'intéressent. «Comme sur mon fil Facebook personnel», dit-elle.

Marc Cassivi: Comme plusieurs artistes, tu as une page Facebook officielle et une page privée, où on a l'impression d'avoir davantage accès à celle que tu es réellement. À quel point est-ce important pour toi de maintenir cette «double personnalité»?

Véronique Cloutier: Il y a une différence très claire entre les deux. Quand j'ai créé mon compte privé, j'ai accepté, en plus de mes proches et de ma famille, que des gens qui me connaissent et comprennent mon humour puissent me suivre. Des gens qui savent que même si je ris de tel truc, ça ne fait pas de moi une mauvaise personne. Des gens qui font la part des choses. Ce n'est plus possible sur une «fanpage», quand on est rendu à plus de 300 000 abonnés. Je ne fais plus de sarcasme sur ma «fanpage» parce que ce n'est pas saisi par tout le monde. Ce n'est pas grave, c'est correct. Mais j'ai appris à me protéger. Je n'ai pas envie de perdre de l'énergie à justifier mes blagues. C'est la raison pour laquelle j'ai deux comptes. Mon compte public, c'est moi, mais avec un filtre.

Marc Cassivi: Est-ce nécessaire pour un artiste, dans sa gestion des réseaux sociaux, d'avoir un «filtre»?

Véronique Cloutier: C'est très paradoxal parce que dans ma carrière en général, depuis quelques années...

Marc Cassivi: Il y a moins de filtre...

Véronique Cloutier: Oui! Dans mes décisions de carrière, dans mes entrevues, j'en ai beaucoup moins. Je suis beaucoup plus assumée. Mais sur les réseaux sociaux, l'accès des gens est trop direct. Et avec l'écrit, on n'a pas le ton, l'expression faciale: le second degré passe moins bien. Surtout aujourd'hui avec la multiplication des sites de potins de vedettes. Ils reprennent tous nos statuts pour en faire des nouvelles et du «clickbait». Ils font un titre sensationnaliste: «Véro ne va pas bien du tout». Tu cliques et tu te rends compte que c'est un jeu de mots. Je m'autocensure pour ces raisons-là. Ça tire trop de jus et ça ne me tente plus.

Marc Cassivi: Si tu avais à donner des conseils à de jeunes artistes, ce serait ça: n'oublie pas ton filtre sur les réseaux sociaux?

Véronique Cloutier: Absolument. En plus, c'est l'outil parfait pour garder le contrôle sur ce que tu veux montrer et ce que tu ne veux pas montrer. Je trouve ça désolant, des fois, de voir des gens qui s'ouvrent beaucoup trop. Ensuite, on s'en sert contre eux. C'est repris sur les sites à potins et ils s'en scandalisent. Écris-le pas! Je lisais Safia Nolin, cette semaine. Un site de potins a repris ses posts Instagram sur sa vie amoureuse. Elle commente en dessous: «Pouvez-vous me crisser patience!» Je comprends comment elle se sent, mais je pense qu'elle fait fausse route. Ça ne changera pas. Ça fait maintenant partie de notre réalité. C'est à toi de t'adapter. Les sites de potins existent. Tu peux juger ça, trouver ça très discutable, mais c'est le travail de ces gens-là. C'est à toi de ne pas leur donner de munitions. Crée un compte privé ou ne parle pas de ta vie privée. Je ne le dis pas méchamment. Je ne m'attaque surtout pas à Safia Nolin!

Marc Cassivi: Essayer de garder le contrôle sur son image, ce n'est pas simple...

Véronique Cloutier: C'est à nous de nous servir des réseaux sociaux intelligemment. Ça fait notre affaire quand ces sites-là rappellent qu'on a des billets ou des disques à vendre, ou qu'on a une nouvelle émission à telle heure. Les Morissette, c'est un succès de réseaux sociaux. [...] C'est vrai que ça permet de garder un lien avec le public. Moi, je réponds à presque tout le monde. Je suis très présente sur ma page. C'est un lien très sincère. Mais c'est aussi un outil promotionnel. Je ne peux pas me plaindre quand la photo de mes enfants en coulisse est reprise. Je savais ce que je faisais en la mettant là. Si je la publie, c'est que j'assume le fait qu'elle sera reprise et que ce n'est pas grave.

Marc Cassivi: Pourquoi te sens-tu obligée de t'ouvrir au public sur ta vie privée?

Véronique Cloutier: Je ne suis pas obligée. J'ai bâti ma carrière sur ma proximité avec le public. C'était comme ça avant les réseaux sociaux. C'est juste un prolongement de cette relation-là. Une nouvelle façon de l'entretenir. J'en donne, mais pas tant. Sur ma «fanpage», les posts sur ma vie personnelle sont rares. Comme tout le monde, je suis fière de mes enfants, de mon couple, mais je me retiens. Parce que si j'écoutais seulement ce côté-là de moi, j'en mettrais tout le temps. Je le fais de temps en temps, par générosité. Parce que les gens qui me suivent depuis 23 ans ne m'ont pas suivie juste pour acheter mes billets, mais parce qu'ils se sont attachés à moi. Dans la rue, les gens n'abordent pas Louis comme ils m'abordent moi. J'apprécie ce rapport, et je l'entretiens. Je suis comme la soeur, ou la belle-soeur, ou la petite-fille, ou la cousine. Il faut que je reste comme ça sur les réseaux sociaux. Je ne peux pas être une femme-sandwich. J'essaie de trouver un équilibre. Mais c'est sûr que lorsqu'on est repris partout, c'est moins tentant de mettre de sa vie personnelle.

Marc Cassivi: Tu parlais de tes enfants. Ils sont par exemple sur la couverture du dernier numéro de ton magazine. Tu ouvres la porte à ce qu'ils se fassent critiquer, eux aussi...

Véronique Cloutier: Ç'a été une énorme réflexion. Mais on aimait cette idée-là. Noël, c'est une fête familiale et je suis mère de trois enfants. Qu'est-ce que tu veux que je te dise? Je ne vais pas faire semblant que je ne fête pas Noël avec mes enfants. C'est la première fois en trois ans que je me le permets.

Personne ne peut me reprocher de me servir de mes enfants pour vendre mes magazines.

C'est la même chose pour ma collection de vêtements. Ma plus jeune a fait des photos pour la collection de Noël, l'an dernier. J'essaie de faire attention.

Marc Cassivi: Est-ce qu'on te l'a reproché?

Véronique Cloutier: Non. Mais je suis très consciente que si j'expose mes enfants, j'accepte qu'ils soient dans l'oeil public. Ils «appartiennent» désormais, d'une certaine façon, à l'opinion populaire. Il faut que je vive avec ça. Je ne me suis pas encore fait dire que mes enfants étaient laids ou qu'ils avaient l'air idiots ou qu'ils faisaient pitié. Tant mieux. On se pose beaucoup ces questions-là avec Louis. Quand tu fais un métier public, tu essaies de te détacher de l'opinion populaire, mais en même temps, ta carrière est basée là-dessus. C'est une espèce de tango. Les gens qui ne m'aiment pas ne m'aimeront jamais. J'ai trouvé ça délicat que Safia Nolin écrive une lettre pour essayer de se défendre et convaincre les gens qu'elle avait raison. Au début, on a une espèce de naïveté qui fait qu'on pense qu'on peut convaincre les gens un à un. Ça ne donne rien.

Marc Cassivi: C'est difficile de ne pas être atteint par les insultes...

Véronique Cloutier: J'accepte de t'en parler parce que c'est dans le cadre d'un dossier, mais en entrevue à la télé ou à la radio, je ne parle plus de ça. Je trouve qu'on l'a assez dit que c'est donc pas drôle et que le monde est donc ben pas fin sur les réseaux sociaux. On l'a dit et redit. Ça ne changera pas ça. Ça ne s'améliorera pas. C'est un mal nécessaire. Il faut vivre avec. Je trouve que les personnalités publiques sont un peu des bébés gâtés. On parle constamment du fait que les gens ne sont pas gentils sur les réseaux sociaux. T'es beau, t'as de l'argent, tes salles sont pleines, tes enfants sont en santé: quand même bien que @Banane68 t'aimerait pas! Si vraiment c'est trop souffrant, ferme ton compte. Je ne parle pas de ceux qui reçoivent des menaces ou qui sont harcelés, évidemment! C'est autre chose.

Marc Cassivi: Est-ce que tu te dis parfois que tu serais bien si tu n'étais pas dans l'oeil public?

Véronique Cloutier: Jamais! Je ne pense jamais à ça. Ça ne me dérange pas. J'ai grandi dans ça. J'ai un rapport avec la notoriété complètement différent de celui de mes collègues. Au restaurant, quand j'étais petite, les gens venaient demander des autographes à la table. Mais je suis contente d'avoir commencé dans le métier avant les réseaux sociaux. Parce que l'apprentissage des deux, c'est ça qui doit être difficile.