Le retour de Walking Dead, la semaine dernière, a «frappé fort» et traumatisé l'auditoire, lorsque deux des personnages principaux ont été brutalement assassinés à coups de batte cloutée au premier épisode de la saison 7. Est-ce que les séries abusent de procédés dramatiques violents pour choquer le public? Les scénaristes vont-ils trop loin? Ils sont de plus en plus nombreux à affirmer que oui. Attention: divulgâcheurs!

L'épisode sanglant

Depuis des mois, les fans de Walking Dead essayaient de deviner qui, dans le groupe de Rick (Andrew Lincoln), allait être tué par Negan (Jeffrey Dean Morgan), le nouveau méchant, armé de sa batte de baseball, qu'on vient d'introduire dans la série. Les scénaristes allaient-ils respecter l'histoire de la bande dessinée de Robert Kirkman ou s'en éloigner? Finalement, ce n'est pas un, mais deux personnages très importants qui ont été massacrés dans ce premier épisode de la saison 7, vu par 17 millions de téléspectateurs aux États-Unis, et dont le suspense tournait entièrement autour de cette horrible scène. Bien que préparés au pire, les fans ont été, disons, sonnés par les images.

Ras-le-bol

Cette fois, la violence explicite de Walking Dead semble mal passer. Le mot-clic #BoycottTheWalkingDead a été créé sur Twitter, tandis que le Parents Television Council s'est insurgé contre ce qu'il considère comme la série «la plus violente jamais vue à la télé» et exige un meilleur contrôle parental pour les chaînes câblées. Walkind Dead a-t-il franchi une limite? L'écrivain Samuel Archibald, cofondateur du magazine web Pop-en-stock, qui analyse la culture populaire, pense que oui, quand bien même on a respecté l'histoire de la bédé. «Il y a une différence entre le dessin et l'image, dit-il. Le sac à ressorts dramatiques des scénaristes comprend des outils de plus en plus hardcore, c'est devenu presque de la torture porn et il y a un mouvement populaire qui en a assez de ces revirements.»

Le «Quitter's Club»

L'épisode de la semaine dernière en a poussé beaucoup à grossir les rangs du Walking Dead Quitter's Club (le club de ceux qui abandonnent Walking Dead), créé par deux journalistes du magazine The Verge, qui déplorent la baisse de qualité de la série depuis que Scott Gimple est aux commandes. On reproche en gros à WD de se concentrer surtout sur des éléments traumatiques qui vont faire jaser, au détriment d'une histoire bien ficelée. Samuel Archibald fait partie, en quelque sorte, de ce club, puisqu'il a lui aussi abandonné la série. «Un moment donné, on se demande, c'est quoi notre problème à regarder ça? Est-ce une nouvelle drogue et serait-il temps qu'on s'en guérisse? Ce n'est plus du divertissement. Il n'y a plus de compromis entre la platitude et la brutalité dans le scénario.»

Tendance lourde?

Samuel Archibald rappelle que Game of Thrones et Walking Dead sont les «deux parangons du meurtre de personnages comme ressort dramatique», ceux qui ont lancé cette tendance qui brise un peu le pacte de fiction entre le public et les séries en ne garantissant absolument pas que nos héros favoris seront épargnés par la mort. Mais en abusant du procédé, on est en train de sombrer dans une solution de facilité qui risque de désensibiliser les spectateurs, qui se détourneront peut-être de ces séries. «Ça signifie que tout le monde peut mourir, c'est une vraie loterie, et c'est ce cynisme que les gens reprochent à Scott Gimple. C'est devenu juste un trip de montagnes russes. L'effet le plus pernicieux est qu'on ne s'attachera plus à des personnages parce qu'ils vont être des pions. On devient méfiant.» 

Le cas Jon Snow

Existe-t-il des personnages intouchables? Le cas de Jon Snow, dans Game of Thrones, semble indiquer que oui. Tué à la fin de la saison 5, les scénaristes l'ont fait ressusciter dans la saison 6! «Il y a eu de grosses discussions là-dessus voulant que ce soit une façon de revenir en arrière dans cette tendance, explique Samuel Archibald. Certains trouvent que c'est une trahison, mais on n'a pas envie que ces personnages-là meurent pour vrai, on veut se rendre au bout de leur histoire. On ne veut pas que ça finisse raide comme ça!» Le réalisateur du dernier épisode de WD, Greg Nicotero, s'est défendu en utilisant la comparaison avec GoT dans une entrevue en disant: «Écoutez, j'ai été choqué par la tournure des événements dans Game of Thrones, mais vous savez quoi? Je continue à aimer ça.» Ouain...

Faiblesses et mauvais goût

Les critiques ne reprochent pas seulement à WD son excès de violence, mais la faiblesse du scénario et une manipulation du public de moins en moins subtile. Était-il vraiment nécessaire de nous montrer les personnages assassinés dans une jolie scène imaginaire en train de faire un pique-nique avec toute la famille de la série? «Dans l'émission Talking Dead qui suit l'épisode, on fait comme si c'était important, ajoute Samuel Archibald. On raconte combien c'était merveilleux de jouer le personnage, nos meilleurs moments, mais ça finit raide en cibolle quand même! Et sur Twitter, on utilise des émojis de batte de baseball, comme si c'était comique. C'est de mauvais goût et les gens sentent un manque de respect pour les personnages.»

Les dangers de l'abus

On ne peut pas continuer longtemps à éliminer des personnages attachants de façon aussi brutale impunément, croit Samuel Archibald. On ne peut pas non plus abuser à outrance de certains chocs pour les besoins d'un scénario. Les séries québécoises ne sont pas en reste dans ces tendances, et Samuel Archibald cite en guise d'exemple l'exploitation d'un drame, la mort d'un bébé oublié dans une voiture, dans deux séries de chez nous, Ruptures et Feux. «On a toujours eu ça à la télé: au tiers de la série, il faut larguer une bombe, explique-t-il. On veut élever les enjeux dramatiques, et on fait monter la chaleur tellement haut que même des séries qui ne sont pas dans l'ultraviolence y ont recours. Disons que Serge Boucher est loin de Walking Dead, et pourtant... Le bébé mort, ça m'a presque fait rire tellement c'est trop. Est-ce qu'on va être obligé de regarder Yamaska pour ne pas voir des affaires épouvantables? On est en train de perdre de l'intérêt.»

Photo Hugo-Sébastien Aubert, Archives La Presse

En plus d'être un auteur, Samuel Archibald est cofondateur du magazine web Pop-en-stock, qui analyse la culture populaire.