Esther Bégin ne pouvait absolument pas se douter que Jean Lapierre allait mourir deux mois après l'entrevue que le commentateur politique lui a accordée pour la série documentaire Fièvre politique.

« C'était le 29 janvier dernier, il tombait une petite neige, il est arrivé sur les lieux du tournage et a dit à la recherchiste : "Je dois avoir terminé pour l'heure du lunch", raconte Esther Bégin. Je savais que je ne devais pas perdre de temps, que je devais aller droit au but. À un moment donné durant l'entrevue, je l'ai senti se détendre. Il a vu que je m'étais bien préparée, que j'avais fait ma recherche, que je travaillais en profondeur. Alors il s'est ouvert en toute franchise et ça a donné l'entrevue qu'on a présentée au moment de sa mort, en mars dernier, et que Télé-Québec a décidé de diffuser intégralement pour souligner ce moment tragique. »

Esther Bégin, qui est la conjointe de l'ancien délégué général du Québec à New York John Parisella, a eu l'idée d'une série sur le côté humain de la politique en côtoyant des politiciens dans toutes sortes de contextes, publics mais aussi privés, intimes.

« J'étais toujours frappée de voir que le côté humain était tellement différent du discours public, se rappelle-t-elle. J'avais envie de montrer cette facette aux gens. »

John Parisella, qui a des contacts dans tous les milieux politiques, a été consultant pour la série. « C'est lui qui a donné les premiers coups de fil et qui a expliqué mon projet, explique Esther Bégin, idéatrice et animatrice de Fièvre politique. À l'exception d'une seule personne qui s'est complètement retirée et qui ne veut plus prendre la parole publiquement, tout le monde a accepté. »

ENTRER DANS L'ÂME DES POLITICIENS

L'animatrice a choisi les hommes et les femmes politiques en fonction de plusieurs critères : elle voulait un équilibre entre les différents ordres de gouvernement et les allégeances politiques de chacun, et elle voulait interviewer des « ex » afin qu'ils puissent parler librement.

Elle se dit surprise par la grande confiance dont les 23 politiciens interviewés ont fait preuve. Le cadre enchanteur a sans doute contribué à détendre l'atmosphère. Les fans du téléroman La galère reconnaîtront le magnifique Manoir MacDougall, sis dans le parc-nature du Bois-de-Saraguay, à Ahuntsic. « Le lieu était magnifique, il y avait une atmosphère très spéciale, reconnaît Esther Bégin. Dans chaque cas, il s'agit d'une entrevue de deux ou trois heures. »

Les entretiens ont ensuite été regroupés sous quatre thèmes : cynisme et sacrifices, crises, pouvoir et médias et finalement « quitter ».

L'animatrice dit s'être totalement investie dans cette série. Peu de temps après l'entrevue de Jean Lapierre, elle l'a croisé, accompagné de sa conjointe, dans un événement mondain. « Nicole est venue me voir pour me dire que Jean avait vraiment aimé faire cette entrevue. J'ai été très touchée. »

Parmi les moments marquants pour Esther Bégin : l'aveu de Lisette Lapointe, qui dit avec beaucoup de franchise ne plus être capable de revoir le discours de défaite de Jacques Parizeau au référendum de 1995 ; le témoignage de Gilles Duceppe, qui parle de sa défaite et des raisons qui l'ont convaincu que la vie valait encore la peine d'être vécue ; l'émotion de Mario Dumont lorsqu'il se rappelle son départ de la politique ; enfin, celle de Line Beauchamp lorsqu'elle parle de la crise étudiante et de ses conséquences sur sa vie personnelle.

« J'ai aimé chaque instant de cette expérience, affirme Esther Bégin. J'ai plongé dans l'émotion de chacun et j'ai tout aimé de ça. J'espère que cela contribuera à révéler que les politiciens sont des êtres humains, comme tout le monde. »

À Télé-Québec le 26 mai et les 2, 9 et 16 juin, à 20 h