Il n'y aura pas de 11e saison de BazzoTV à Télé-Québec en 2016-2017. Le magazine de société piloté par Marie-France Bazzo quittera définitivement les ondes le 24 mars, faute d'avoir pu renouveler son crédit d'impôt fédéral, qu'il décroche pourtant depuis l'automne 2006.

Sans cette aide gouvernementale, qui représente 12,75 % de son budget, l'émission de Marie-France Bazzo sombre dans le rouge. Aux prises avec des compressions évaluées à 3 millions, Télé-Québec ne peut pas casquer pour BazzoTV. «Je dois déjà couper 10 % dans ma grille. Ça n'arrive vraiment pas dans un bon moment», confie le directeur des programmes de Télé-Québec, Denis Dubois.

Deux hommes en or, autre gros morceau de la grille de Télé-Québec, se trouve dans la même position précaire: Patrimoine canadien lui refusera, en septembre, l'accès au même crédit d'impôt que BazzoTV. Qu'adviendra-t-il de Patrick Lagacé et Jean-Philippe Wauthier les vendredis soir? Télé-Québec couvrira-t-elle leur déficit anticipé de 300 000 $ ou tirera-t-elle tout simplement la plogue? Autre mystère à éclaircir.

«Ça sort d'où, cette affaire-là? Comment explique-t-on que tout a été correct pendant trois ans et que là, ça ne marche plus? La loi n'a pourtant pas été changée», remarque la présidente d'Attraction Images, Marleen Beaulieu, qui chapeaute, entre autres, Deux hommes en or.

Selon l'Association québécoise de la production médiatique (AQPM), une quinzaine de magazines télévisuels, dont Esprit critique d'ARTV, seraient actuellement sur la corde raide. Une des raisons qui ont torpillé le 125, Marie-Anne de Christiane Charette, c'est aussi le retrait des dollars provenant d'Ottawa.

Que s'est-il passé pour qu'autant d'émissions d'ici perdent, en cascade, cette importante source de financement du fédéral ? Les règles d'admissibilité au crédit d'impôt n'ont pas été modifiées, mais la façon de les interpréter ou de les appliquer a été resserrée il y a un an, époque où les conservateurs dirigeaient le pays.

BazzoTV et Deux hommes en or ont toujours été classées avec les magazines de société, une catégorie admissible au crédit d'impôt. Quand leur dossier a été réévalué par une haute fonctionnaire, surprise!, Patrimoine canadien les considérait maintenant comme des «interviews-variétés», un sous-genre exclu de tout soutien financier, tout comme le bulletin d'information, le jeu-questionnaire, le gala, le téléthon ou la «télé-vérité».

Jointe hier, Marie-France Bazzo s'est dite triste et furieuse de la réévaluation du format de son émission du jeudi, 21 h. Sa colère se comprend très bien. «Notre formule n'a pas changé en 10 ans, s'indigne-t-elle. Nous faisons des débats, des entrevues, un club de lecture. Je veux me battre pour que l'interprétation de Patrimoine canadien ne soit pas aussi stricte. Il est peut-être trop tard pour moi, mais pas pour les autres.» 

«Je veux que la ministre Mélanie Joly comprenne que nous allons perdre une partie importante de la diversité à la télévision québécoise.»

La situation actuelle inquiète l'AQPM, qui rassemble les plus grosses boîtes de la province. «Ça compromet la santé financière de certaines maisons de production. On ne comprend pas trop ce qui se passe», constate la PDG de l'AQPM, Hélène Messier.

La haute fonctionnaire responsable de cet épineux dossier n'a pas rappelé La Presse hier. Tard en soirée, la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, a gazouillé qu'elle mènerait des consultations sur la définition des productions admissibles (ou non) à ce crédit d'impôt. Elle s'est publiquement engagée à suivre l'affaire de près. Bonne nouvelle en vue, peut-être?