Arrivée en poste il y a deux semaines à peine, la nouvelle présidente-directrice générale de Télé-Québec, Marie Collin, a deux priorités: accroître la présence de la télévision publique sur les plateformes numériques et faire connaître davantage la programmation, notamment son volet jeunesse, qui compose plus de 40 % de sa grille horaire. Entrevue avec celle qui, dans un contexte de restrictions budgétaires, se décrit comme «une battante».

Après un an à la tête de l'AQPM, l'association qui représente les producteurs indépendants de la télévision et du cinéma québécois, vous avez été pressentie pour devenir la nouvelle PDG de Télé-Québec, poste que vous avez finalement accepté. En quoi ce nouveau défi vous a-t-il interpellée?

Lorsqu'on m'a approchée, j'ai d'abord demandé si le gouvernement cherchait une personne pour fermer Télé-Québec. Si c'est le cas, ai-je dit, je ne suis pas la bonne personne. J'aime construire et bâtir. On m'a toutefois assuré que ce n'était pas le cas. Qu'on cherchait quelqu'un pour prendre Télé-Québec en main. C'est pourquoi j'ai accepté ce mandat.

Vous avez longtemps travaillé chez Astral, dans l'industrie de la télévision privée. En quoi votre mandat diffère-t-il à la télévision publique?

Les objectifs ne sont pas les mêmes. Au privé, notre mission est d'être rentable. On cherche à tout prix le succès, car nous travaillons sur des enjeux de rentabilité. En télévision publique, on répond d'abord à un mandat, mais on tente aussi de plaire aux téléspectateurs. À Télé-Québec, nous avons un mandat éducatif et culturel. Notre rôle est d'offrir une télévision qui est pertinente, intelligente et riche en contenus.

D'accord, mais toutes les stations de télévision utilisent ces mêmes termes. Qu'est-ce que ça veut dire, concrètement, dans la réalisation de votre mandat?

Notre mandat est, entre autres, de faire de la télévision jeunesse, d'autant plus que les autres stations délaissent cette clientèle. [...] La première expérience culturelle d'un enfant est fréquemment liée à la télévision. Dans le contexte actuel, nos jeunes sont à un clic de contenus étrangers. La barrière de la langue est de moins en moins un obstacle. Plus que jamais, il faut offrir du contenu télévisuel québécois à nos jeunes. Cela a une valeur identitaire. En tant qu'adulte, vous vous souvenez des comédiens et des émissions qui vont ont marqué, tout jeune. Si on ne fait rien pour que nos enfants écoutent la télévision québécoise, dans deux décennies, il n'y aura plus de résonance.

Comme vous le dites, les jeunes consomment de plus en plus la télévision autrement, sur un téléphone intelligent, un ordinateur portable ou une tablette, par exemple. Quelle est votre vision du numérique pour la société d'État?

Nous devons être en mesure de diffuser nos contenus sur un maximum de plateformes. Pour ce faire, nous allons développer des partenariats, puisque nous ne sommes pas un joueur intégré.

Pourrait-on imaginer que Télé-Québec s'associe à une plateforme de diffusion telle que Tou.tv, pour diffuser son contenu en ligne?

Nous pourrions avoir plusieurs partenaires. Rien n'est exclu pour l'instant. Tou.tv est une possibilité, mais il y en a d'autres. Je pense qu'il faut surtout investir sur nos propres plateformes, notamment telequebec.tv. Les citoyens qui cherchent notre contenu en ligne auront d'abord comme réflexe de consulter notre site internet.

Cette croissance du numérique nécessitera toutefois des investissements, alors que, comme l'ensemble des sociétés d'État, vous jonglez avec des restrictions budgétaires. Comment comptez-vous réaliser cela?

Ma priorité est de mettre l'argent [actuel] sur les contenus, c'est certain. Peu importe où ils seront diffusés. Je trouve votre question prématurée. Aujourd'hui, on parle de vision, pour le reste, je devrai m'asseoir avec mon équipe pour voir comment nous pourrons faire les choses autrement, notamment dans les différentes formes de financement. Pour le numérique, par exemple, des fonds existent, comme le Fonds Québecor, où nous pouvons soumettre des projets.

En terminant, quelle place occupent les cotes d'écoute dans votre vision de l'avenir de Télé-Québec? Souhaitez-vous augmenter vos parts de marché?

Les gens qui me connaissent savent que je suis une battante. J'aime que les choses soient performantes. Mais pour une télévision publique comme Télé-Québec, notre première responsabilité est de remplir notre mandat et d'offrir une programmation «diversifiée». Évidemment, on fait de la télé pour performer [...], mais quand 40 % de notre programmation est consacrée à la jeunesse, on est dans un créneau très ciblé. C'est clair qu'on a des attentes par rapport aux cotes d'écoute, mais c'est en lien avec notre mission. Avec un bassin de 700 000 enfants, je ne peux pas faire un million en cotes d'écoute. Au Québec, seulement 38 % des foyers ont des familles. Mais si Télé-Québec ne s'occupe pas des enfants, qui le fera? Les autres stations ont délaissé la jeunesse, Télé-Québec ne le fera pas.