Productions J, détenue par Julie Snyder, a officiellement cédé hier le volet télévisuel de l'entreprise, ce qui comprend notamment les émissions Vol 920 et La voix, diffusées à TVA. Benoît Clermont, qui était jusqu'à tout récemment vice-président aux affaires juridiques et commerciales de l'entreprise, assurera leur production au sein d'une nouvelle entité.

À la fin juin, M. Clermont a fondé dans le plus grand secret Productions Déferlantes. Cette nouvelle entreprise, qu'il détient exclusivement, «assurera notamment la production d'émissions produites jusqu'à tout récemment par Productions J», a-t-il précisé par voie de communiqué.

L'annonce donne toutefois peu de détails sur la nature et sur le montant de la transaction. Hier, les deux boîtes de production avaient mandaté des firmes de relations publiques, qui ont répété à plusieurs reprises que les entreprises concernées étaient «indépendantes», un aspect important pour Productions Déferlantes, qui espère toucher les crédits d'impôt destinés aux producteurs indépendants.

Problème fisacl

Car le noeud du problème qui a mené à cette transaction est principalement de nature fiscale. Le 29 juin dernier, lors d'un point de presse hautement émotif au siège social de Productions J, à Montréal, Julie Snyder a annoncé qu'elle abandonnait ses productions télévisuelles en raison d'une modification apportée par le gouvernement aux règles encadrant les crédits d'impôt destinés aux producteurs indépendants, la mettant du même coup «hors jeu dans un contexte concurrentiel».

Selon ces règles, la productrice et animatrice, qui est l'unique détentrice de Productions J, ne peut pas recevoir ces crédits d'impôt car son conjoint est Pierre Karl Péladeau, actionnaire de contrôle de Québecor - qui détient TVA - le réseau où est diffusée la majorité des émissions de Productions J, enlevant du coup aux yeux du gouvernement le caractère «indépendant» de l'entreprise de Mme Snyder.

Malgré l'important battage médiatique qui s'en était suivi, le gouvernement libéral avait ensuite de nouveau refusé de revoir les règles établies. «Le terrain est égal pour tous les producteurs, liés ou pas à des diffuseurs, et c'est ce que l'on voulait», avait répondu le premier ministre Philippe Couillard.

Peu de détails

Malgré les nombreuses questions répétées pour mieux comprendre la nature de la transaction qu'ont conclue Benoît Clermont et Julie Snyder, plusieurs aspects étaient maintenus dans l'ombre, hier. Par exemple, Mme Snyder vend-elle les droits des émissions qu'elle détient? Ou cède-t-elle les droits des autres concepts qu'elle produit et dont elle détient les licences?

«Tout ce que tu peux écrire, c'est que Julie abandonne la production télévisuelle. À partir de maintenant, c'est Productions Déferlantes de Benoît Clermont qui assurera la production de ces émissions. Les termes dans le contrat, c'est ça», a répondu sans plus de détails Annick Bélanger, associée directrice de Casacom, la firme de relations publiques chargée de répondre aux questions des journalistes.

Selon nos informations, l'entente entre les deux parties aurait été finalisée il y a quelques jours à peine. Toutefois, plusieurs détails doivent toujours être négociés. Par exemple, il n'est pas encore dit que tous les employés qui travaillaient sur les émissions télévisuelles chez Productions J trouveront un siège dans la nouvelle entreprise de Benoît Clermont.

«Actuellement, tous les efforts sont mis en oeuvre pour que la grande majorité [des employés] soit gardée».

Stéphane Laporte, producteur associé à La voix, serait aussi de retour à son poste l'hiver prochain, cette fois-ci sous le chapeau de Productions Déferlantes.

En quittant l'univers télévisuel, Productions J recentre ainsi ses activités dans la production de disques, de spectacles et la gérance artistique.

Snyder récolte peu d'appuis dans la population

Une majorité de Québécois (56 %) ne croit pas que Julie Snyder soit «victime d'injustice en n'ayant pas droit à des crédits d'impôt parce qu'elle est la conjointe de Pierre Karl Péladeau, propriétaire de son principal diffuseur, TVA», selon un sondage CROP-La Presse

Ce coup de sonde a été réalisé quelques jours après la sortie de Mme Snyder, à la fin du mois de juin, où elle annonçait qu'elle était contrainte d'abandonner le volet télévisuel des Productions J, en raison de modifications aux règles entourant les crédits d'impôt destinés aux producteurs indépendants. 

«Il y a une faible majorité des gens qui disent qu'elle n'est pas victime d'injustice, a analysé Céline Berre, vice-présidente chez CROP. Les gens plus jeunes semblent un peu plus favorables à Julie Snyder.» Au final, 31 % des répondants au sondage sont d'avis que Julie Snyder est victime d'injustice dans toute cette affaire, alors que 13 % ont répondu «je ne sais pas». 

Le sondage CROP - La Presse a été mené du 6 au 9 juillet auprès de 996 participants à un panel web. Les résultats ont été pondérés en fonction du sexe, de l'âge, de la région de résidence, du niveau de scolarisation et de la langue maternelle de la population.

PHOTO PRODUCTIONS J

Benoît Clermont