Le créateur de Mad Men, Matthew Weiner, est venu à Paris pour faire ses adieux à sa série phénomène, qui vit actuellement ses dernières heures sur la chaîne américaine AMC.

Séries Mania a proposé au prolifique scénariste, producteur et réalisateur de disséquer un épisode de la série: le dernier épisode de l'avant-dernière saison, dans lequel (attention, on dévoile un punch) Don Draper laisse tomber les masques et est viré de son agence. Un exercice intéressant, auquel s'est prêté avec beaucoup d'enthousiasme Matthew Weiner.

«J'ai toujours su que la saison allait finir comme ça», explique Matthew Weiner.

Le créateur de Don Draper - l'un des personnages les plus énigmatiques et charismatiques engendrés par la télévision américaine - est un homme volubile, verbomoteur, qui ponctue ses anecdotes d'humour. «J'aimerais pouvoir dire que je suis un Don, mais je suis plus un Pete Campbell, malheureusement», reconnaît Weiner.

Connu pour le niveau de précision de son écriture, Matthew Weiner, qui a aussi été scénariste des Sopranos, a porté Don Draper et Mad Men dans ses valises pendant six ans, avant que la chaîne câblée américaine AMC n'accepte son concept.

Avec Mad Men, le scénariste s'est fait producteur, mais aussi réalisateur. L'attachement que voue Matthew Weiner à une série sortie de ses entrailles est palpable. Ainsi, Weiner raconte qu'il discute, avec son équipe de scénaristes, des grandes lignes du scénario. Il ne se contente pas de donner des indications sur les dialogues: il entre en transe, selon son expression, et fait parler les personnages à travers sa bouche.

«Tout le monde le sait», précise-t-il.

Précision et exigence

Chaque mot est soupesé, soigneusement choisi. Matthew Weiner prépare le storyboard des épisodes avant qu'ils ne soient tournés. La consigne: respecter ses consignes. À l'écran, la précision de Mad Men explique en grande partie le succès de la série.

Les fans le savent: aucun détail n'est laissé au hasard. Auteur d'une série taiseuse, contemplative et esthétique, que les érudits de la télévision se plaisent à décortiquer, Matthew Weiner se défend pourtant de verser dans les symboles.

«Les gens s'intéressent aux symboles, mais je ne travaille pas avec les symbolismes», dit-il.

Pourquoi voit-on donc, au cours des sept saisons, Don Draper filmé de dos, la caméra remontant de ses pieds à sa tête? Tout simplement en hommage au cinéaste hongkongais Wong Kar-Waï et à son film In the Mood for Love. «Voir ce film nous a inspiré. C'est OK de voler des choses, et [Wong Kar-Waï] le sait!», dit Matthew Weiner en riant.

La précision et l'exigence de Matthew Weiner ne se manifestent pas seulement en amont du tournage. Sur le plateau, les acteurs n'ont droit à aucune improvisation.

«Mes acteurs n'ont aucune raison d'improviser. Pourquoi est-ce qu'ils improviseraient? Tout a été fait pour eux, se défend, rieur, Matthew Weiner. Je crois en l'improvisation, avec, par exemple, Larry David et Curb Your Enthusiasm. Mais Mad Men a été pensé en réaction à tout ce qui existe à la télévision.»

Père spirituel de l'une des plus grandes séries télévisées américaines, qui a imposé aux petits écrans un rythme lent, porté par un homme qui, sans être un antihéros, est surtout un homme banal, Matthew Weiner reste attaché à son premier métier, l'écriture et la scénarisation.

«Je suis scénariste. C'est mon travail le plus dur, mais aussi le plus satisfaisant. C'est un talent rare, et je ne tiens rien pour acquis, dit-il. J'espère avoir à nouveau ça dans ma vie. Pas pour le succès, mais pour que tout ce que j'écris soit tourné, plutôt que d'attendre six ans, et que le premier acteur venu ne le ruine.»

Photo: AFP

Matthew Weiner, créateur de Mad Men.