Comment atterrira le mystérieux Don Draper, qu'on a vu chuter lentement devant nos yeux pendant la mouvante décennie 60? Depuis dimanche dernier, c'est le début de la fin pour Mad Men, l'une des propositions les plus originales et inclassables de la télévision américaine. Retour sur quelques grands thèmes qui traversent cette série phare des années 2010.

LA FABRIQUE DU RÊVE AMÉRICAIN

En campant l'intrigue dans une agence de publicité fictive de Madison Avenue, à New York, l'auteur Matthew Weiner nous invite en quelque sorte dans les coulisses de la fabrique du rêve américain. De l'ambition bâtisseuse d'une nation, nous glissons dans la quête individualiste de la réussite matérielle, la société de consommation et la culture de masse. Don Draper, génie dans son domaine, sait deviner les désirs du consommateur et, encore mieux, les créer et les manipuler. Dès lors, ce fameux rêve n'est plus qu'une marchandise, et les mouvements protestataires des années 60 vont en révéler l'illusion. Qui, aujourd'hui, y croit encore?

LES FEMMES

Peggy Olson (Elisabeth Moss), Joan Holloway (Christina Hendricks) et Betty Draper (January Jones) représentent les trois grands archétypes féminins de Mad Men. Par Peggy, le miroir de Draper, nous voyons les innombrables difficultés vécues par ces femmes qui ont voulu une carrière dans un milieu dominé par les hommes. Joan, véritable fantasme de la «pin-up», tente de gravir les échelons en usant parfois de ses charmes - et elle en paye toujours le prix. Enfin, Betty est l'image typique de la femme au foyer frustrée et insatisfaite, d'autant plus souffrante qu'elle ne comprend pas toujours pourquoi sa vie parfaite l'ennuie.

LES HOMMES

Don Draper (Jon Hamm), Roger Sterling (John Slattery) et Peter Campbell (Vincent Kartheiser) sont ces fameux hommes blancs hétérosexuels totalement inconscients de leurs privilèges, dont ils jouissent sans aucune retenue. Pères absents, époux infidèles, loin d'être des employés modèles, ils ne partagent pas leur pouvoir, et pourtant, ils ont séduit le public. Alors que Don et Roger évoluent dans leur milieu comme des dandys satisfaits de leur sort, Peter incarne le jeune ambitieux et maladroit qui veut se tailler une place dans l'entreprise, et annonce un peu le jeune loup amoral de l'avenir. La chute de l'homme, c'est un peu la leur.

LES MINORITÉS

Misogyne, raciste, antisémite, homophobe, l'époque de Mad Men ne connaît rien du politiquement correct. Ce qui est perçu aujourd'hui - et heureusement - comme des injustices reçoit un éclairage très cru dans la série. Tous les personnages noirs sont traités de négros et n'ont que des postes inférieurs. Et en publicité, ils ne sont jamais considérés comme un public à séduire, pas plus que les Juifs. Quand à l'homosexualité, très mal vue dans ce monde macho, elle est incarnée entre autres par Salvatore Romano, qui se conforme aux règles en étant marié, mais qui perdra son emploi en repoussant les avances d'un important client qui se vengera.

LA TRANSFORMATION DES MOEURS

La décennie 60 est marquée par des transformations sociales. Les comportements des personnages en ce qui concerne le statut des femmes, des minorités, de l'éducation des enfants ou de l'écologie montrent un état d'esprit particulier, avant les grands mouvements protestataires. Et cela, sans jamais être souligné à gros traits. Comme dans cet épisode ou, après un pique-nique, la famille Draper rentre à la maison en abandonnant sans culpabilité tous ses détritus sur la pelouse.

LA MODE ET LE DESIGN

Un souci maniaque a été consacré aux décors et aux costumes de la série, au grand ravissement des adeptes du vintage. Mais la fonction de la mode et du design est beaucoup plus profonde dans l'intrigue. Ce sont des points de repère dans le temps, ainsi que des outils importants pour dévoiler la transformation des personnages.

LA CIGARETTE ET L'ALCOOL

Il n'y a aucun épisode où ces deux vices ne sont pas présents. Les personnages fument comme des pompiers (même les femmes enceintes) et boivent comme des trous. Très révélatrice, la campagne publicitaire des cigarettes Lucky Strike, qui, plombée par des études sur le cancer, doit se tourner vers de nouvelles stratégies (donc le mensonge). L'abus d'alcool est à l'origine de nombreux dérapages dans l'intrigue.

LA TEMPORALITÉ DE MAD MEN

Beaucoup de téléspectateurs ont abandonné Mad Men en raison de sa lenteur. Il faut dire que Mad Men est une série plutôt contemplative, vécue comme une immersion dans les années 60. Pour les fans, cette lenteur fait partie du charme, elle est même une bénédiction. Il ne reste malheureusement que quelques épisodes avant la fin de l'hypnose...