Pour sa première série réalisée en France, Netflix a choisi Marseille, la grande métropole du sud à l'image sulfureuse, pour théâtre d'une lutte sans merci entre un maire accroché au pouvoir et un jeune loup aux dents longues dans ce House of Cards hexagonal.

Si Dan Franck et Pascal Breton, scénariste et producteur de la série Marseille, promettent «une grande bataille politique», ils assurent avoir fait de leur mieux pour éviter les clichés.

«Ceux qui attendent de la kalachnikov seront déçus», lâche Pascal Breton, au bar d'un hôtel surplombant le Vieux-Port, en référence à la réputation de la ville, cadre d'une forte criminalité et de règlements de compte liés au trafic de drogue.

C'est son sixième séjour dans la cité phocéenne depuis l'annonce, fin août, du lancement d'un «House of Cards» français: huit épisodes - livrables fin 2015 - d'une guerre de succession électorale opposant un maire au pouvoir depuis 25 ans à «un jeune loup aux dents longues», selon le géant américain de la vidéo en ligne Netflix.

«Nous avons choisi Marseille parce que c'est une ville qui a une telle personnalité!», dit Dan Franck.

«C'est la scène locale la plus belle», ajoute Pascal Breton, qui a convaincu Netflix de préférer cette ville à Paris pour transposer sa saga washingtonienne à succès.

«Elle est comme un grand théâtre qui regarde la mer, autour du Vieux-Port (...) un théâtre italien.» Autant qu'une «cité à la manière grecque», dit le producteur des séries françaises «Dolmen» et «Sous le soleil».

Au-delà du souci d'éviter les clichés - le «Marseille bashing» qui irrite particulièrement les responsables locaux -, les auteurs semblent avoir à coeur de réhabiliter, sinon la politique, au moins la série politique, un genre victime de «frilosité», selon Dan Franck.

Comme dans la série culte House of Cards, qui raconte l'ascension au sommet du pouvoir d'un élu américain sans scrupules, l'histoire empruntera aux quinze dernières années de vie politique française, ramenée à l'échelle de cette cité État où l'élection municipale compte autant que la présidentielle, explique-t-il.

«Une histoire totalement inventée»

«J'écoute beaucoup. Je prends beaucoup de notes», ajoute le scénariste, qui découvre la ville.

En plus des politiques qui ont ouvert leurs portes, «je suis allé dans des mosquées. Je suis allé à Félix Pyat (une cité sensible), beaucoup. J'ai rencontré des personnages très denses», dit-il.

Des voyous? «Oui, beaucoup. Indépendamment de toute considération morale, c'est quand même des gens qui ont des choses à raconter». Et qui sont «très heureux» que «des gens autres que ceux de leur milieu (...) les écoutent», souligne-t-il.

Mais il n'écrit pas un polar. L'intrigue joue de la «schizophrénie narrative» entre «la cité d'un côté et la mairie de l'autre», explique Dan Franck: «ce qui est officiel et la projection de l'officiel», dans les quartiers livrés à la drogue, qui l'intéressent «en tant qu'organisation sociale».

«C'est surtout un conflit entre deux personnages, deux morales politiques, deux générations confrontées à ce même terrain-là», ajoute-t-il encore. Avec une question: «Qu'est-ce que c'est que la politique dans ces milieux sociaux qui sont déclassés, qui sont hors du champ politique et qu'on s'accapare, du point de vue politique, avec des prébendes?»

Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé ne peut qu'être fortuite, s'empresse de préciser l'auteur. «C'est une histoire totalement inventée», assure-t-il.

«On ne voit pas beaucoup le fonctionnement de la démocratie française à la télé française», note également Pascal Breton. «C'est juste dur de rendre (la politique) spectaculaire, de (la) rendre dramatique, voire tragique», reconnaît-il. Mais «le fait que ça revienne à la mode dans les séries nous offre cet espace. C'est à nous de ne pas le rater».