Avec deux téléséries anglophones et un film québécois, Évelyne Brochu sera très présente au petit comme au grand écran en 2015. Son plus récent projet, XCompany, un thriller d'espionnage campé durant la Deuxième Guerre mondiale, s'annonce haletant, dit-elle en entrevue.

Un village, quelque part en France, en 1942. Sur la place publique, un homme est pendu. Les soldats allemands sont partout. Ils cherchent des résistants. Cachés dans un clocher d'église, quelques agents très spéciaux sont pris en souricière.

«Ça commence à 100 km/h. On a le coeur qui palpite. Nous sommes dans le trouble. Pour nous, ça ne va pas du tout.»

Assise dans le hall de l'Usine C, Évelyne Brochu raconte les premières minutes de XCompany, télésérie d'espionnage de Mark Ellis et Stephanie Morgenstern dans laquelle elle tient un des cinq rôles principaux aux côtés de Jack Laskey, Connor Price, Warren Brown et Dustin Milligan.

L'oeuvre, en ondes le 18 février prochain à la CBC, nous fera baigner dans l'adrénaline.

«XCompany, c'est un groupe de cinq personnes recrutées pour participer à l'effort de guerre des Alliés sans être des soldats traditionnels, enchaîne la comédienne. Chacune de leur mission est différente: éliminer un ennemi, sauver un prisonnier possédant des secrets importants, commettre des actes de propagande, etc.»

Tournée à Budapest et en Serbie, l'oeuvre est librement inspirée d'une histoire vraie. Au début de la Deuxième Guerre mondiale, les gouvernements britannique, canadien et américain ont créé un camp de formation d'espions près du lac Ontario. Le très secret Camp X était né.

Dans la série, Évelyne Brochu interprète Aurora, une juive allemande qui a aussi des racines canadiennes-françaises. «Elle parle allemand, anglais et français parfaitement, relate la comédienne. Elle est partie à Paris pour être journaliste et a joint la Résistance. Les dirigeants du camp l'ont recrutée à partir de ce qu'ils ont vu de ses côtés courageux, idéaliste et fonceur et parce qu'elle est une femme.»

Durant le conflit, plusieurs femmes, éveillant moins les soupçons, ont été espionnes ou ont été très actives au sein de cellules de la Résistance, rappelle Évelyne Brochu. C'est la lecture du journal de l'une d'elles, Agnès Humbert (1894-1963), qui l'a inspirée.

«Humbert faisait partie du groupe de résistants du Musée de l'Homme, dit-elle. Son livre est prenant, bouleversant. À travers tous les mauvais traitements qu'elle a subis [elle a été déportée et emprisonnée], elle a maintenu sa dignité. Elle a toujours défendu l'idée qu'elle était du bon côté et que son combat était légitime. Elle a risqué sa vie pour un idéal. Sa fougue m'a traversée.»

Entière, Évelyne Brochu parle de son travail comme de ses rôles avec sensibilité et justesse. Chez elle, donner une entrevue est un prolongement vital de ce qu'elle a vécu à travers un personnage. En parlant, elle fignole les détails, s'arrête, cherche le bon mot. Dans le cas de ce nouveau projet, sa voix s'étrangle en évoquant la mémoire d'Agnès Humbert et des millions de gens ayant souffert de la guerre. «Il faut toujours se souvenir que ça s'est passé», dit-elle.

Orphan Black

Évelyne Brochu sera aussi en vedette dans Orphan Black, dont la troisième saison est actuellement en tournage. La série de science-fiction évoque une histoire de clonage aux multiples enjeux. Depuis la saison 1, la comédienne y défend le personnage de Delphine, un rôle qui prend de l'ampleur.

«Il y a toujours eu un mystère derrière les intentions de mon personnage. Ce mystère demeure et s'épaissit, soutient l'actrice. En la regardant agir, on se demande où est son allégeance. Elle pose des gestes choquants, brutaux, troublants. Ça va être long avant que l'on comprenne ce qui propulse ces gestes, mais c'est ce qui va être passionnant.»

Grande scientifique, Delphine est amoureuse de Cosima, une clonée qui est aussi sa patiente. L'homosexualité de son personnage est secondaire dans l'histoire mais trouve ancrage dans le réel, en ce sens qu'il véhicule des valeurs d'ouverture.

«Parce que je joue ce personnage dans une proposition aussi moderne, beaucoup de jeunes lesbiennes m'écrivent pour me remercier, dit Mme Brochu. Ça leur donne le courage de le dire à leurs parents, de s'affirmer à l'école. Si Delphine peut inspirer ces jeunes filles d'avoir du courage dans leur propre vie, à être elle-mêmes, tant mieux! Moi, ça m'amène un beau degré de fierté, de participer à quelque chose qui fait du bien au monde.»

Ces deux projets anglophones ne signifient pas une migration hors du Québec, assure la comédienne, qui définit sa carrière dans une perspective globale.

«Ce que j'ai fait récemment n'est pas un exil. De plus en plus, les équipes de cinéma et de télévision s'internationalisent. Mon souhait est de provoquer les rencontres les plus intéressantes. Et au Québec, il y a aussi des rencontres intéressantes que je n'ai pas encore faites et que je souhaite.»

Elle sera d'ailleurs en vedette dans Les loups, film de Sophie Deraspe qui ouvrira les Rendez-vous du cinéma québécois, le 19 février prochain. Ça tombe bien: la comédienne fréquente beaucoup ce festival qu'elle adore. «C'est un gros happening. Les soirées, les panels de discussion, tout y est intéressant. La vitalité de notre cinéma est à l'image de cet événement. Que Les loups en soit le coup d'envoi m'apporte une grande fierté.»