Rédactrice en chef depuis le début de Tout le monde en parle (TLMEP), en 2004, Carole-Andrée Laniel publie cette semaine son premier ouvrage, L'envers du décor. Son livre illustre, en mots et en images, les dessous de l'incontournable émission du dimanche soir.

Auprès des trois mecs comiques de Tout le monde en parle (Guy A. Lepage, l'animateur; Dany Turcotte, le fou du roi; et André Ducharme, le script-éditeur), on retrouve une femme sérieuse, réservée et cultivée qui, depuis 20 ans, est à l'origine d'émissions phares à la télévision et à la radio de Radio-Canada.

Passionnée de littérature et de cinéma, Carole-Andrée Laniel est une journaliste devenue recherchiste pour soigner sa timidité. Or, elle a toujours travaillé pour des animateurs ambitieux, rigoureux et exigeants. À personnalités fortes, recherchiste de caractère.

Avec son premier livre, l'auteure dévoile les secrets d'un énorme succès télévisuel qui ne se dément pas depuis 10 ans. Et déboulonne, au passage, quelques mythes autour de l'émission.

À quoi ressemble l'invité idéal?

«Un bon invité ne vient pas seulement vendre son disque, son spectacle ou son message. Il reste à l'écoute, disponible et intéressé par tous les invités. Il donnera une bonne entrevue, mais aussi il va bonifier les prestations des autres. Par exemple, lorsque Martin Matte est invité à TLMEP, il se renseigne sur les invités de l'émission. Et rien n'est plus fort qu'une question non prévue d'un invité adressée à un autre invité.»

Quel est l'art d'un bon plateau?

«Un bon plateau, c'est organique. Parfois, sur papier, on a l'impression d'avoir le plateau parfait, mais le courant ne passe pas durant le tournage... Un bon line-up, c'est un heureux mélange d'invités «A» (des vedettes très populaires) et «B» (des gens moins connus). Des gars et des filles. Des habitués des plateaux pour entourer des gens qui ont peu (ou pas) d'expérience en télé.»

Est-ce que les invités sont nerveux lors de l'enregistrement?

«Oui, c'est très énervant de faire TLMEP. Même les super vedettes habituées des studios sont nerveuses. L'émission ne pardonne pas: un acteur ou un humoriste non «performant» en entrevue aura de la difficulté à convaincre le public d'aller le voir en spectacle. L'impact de l'émission pour leur promotion est réel, mais pas assuré. Sur le plateau, il ne faut pas être sur la défensive ni agressif avec les autres. C'est correct d'intervenir, mais en évitant de confronter les invités. Ça ne passe pas au Québec.»

La peur du montage est-elle fondée?

«Au début, des personnalités refusaient de participer à l'émission par crainte du montage. Or, on utilise de moins en moins cette excuse. Car, en général, les invités anxieux sont soulagés en se regardant le dimanche soir. Il est désormais admis que l'entrevue diffusée respecte l'originale et «l'éditorial» de l'invité. En dix ans, seulement six entrevues ont été supprimées au montage: Tanya St-Arnaud (pour des raisons juridiques); Emmanuelle Seigner (parce que l'actrice ne répondait pas aux questions); Pierre Lapointe en 2004 (parce que l'entrevue ne rendait pas justice à l'invité), et il a été réinvité deux fois par la suite.»

Fait-on vite le tour des invités au Québec?

«Au début, tout le monde craignait qu'on se répète. Le Québec n'est pas la France: on fait rapidement le tour du jardin des personnalités. Tout le monde... sauf Mario Clément (NDLR: alors directeur de la programmation de la télévision à Radio-Canada). Mario nous a dit: «Si les invités ne sont pas renouvelables, l'actualité, elle, se renouvelle constamment!» Et il avait raison. Depuis 10 ans, on ne manque jamais de sujets ni d'invités.»

Qu'est-ce que le public apprécie particulièrement de l'émission?

«Ce que les téléspectateurs préfèrent, ce sont les entrevues human. Le public de TLMEP adore découvrir des inconnus qui leur font apprendre des choses sur un sujet de société. Pour ma part, j'aime faire découvrir un auteur ou un artiste qui fait l'actualité culturelle.»

Quelle est la philosophie de l'animateur?

«Pour Guy (A. Lepage), l'union fait la force. Très jeune, à l'UQAM et à la radio de CIBL, Guy a appris à travailler en équipe. Ensuite, il a fait partie du groupe d'humour Rock et Belles Oreilles. Quand il a (ou un membre de l'équipe) une bonne idée, ça reste une proposition. À ses yeux, une idée devient beaucoup plus forte lorsqu'elle est discutée et enrichie par plusieurs personnes.»

Est-ce que Guy lit trop ses cartons?

«Les cartons sont écrits par des recherchistes. Tous les intervieweurs à la télé ont des plans d'entrevue. Mais Guy ajoute des choses ou laisse tomber des questions. En fin de compte, ça devient son carton. Avec le temps et l'expérience, il peut aisément dévier du plan d'entrevue selon les réactions de l'interviewé ou du plateau.»

Quel est l'impact d'un passage à TLMEP?

«Au fil des saisons, j'ai constaté que pour plusieurs invités, il y a un avant et un après-TLMEP. Les réactions du public peuvent durer des mois, voire des années! Pour des invités comme Maxim Martin ou Georges St-Pierre, la perception des gens à leur égard a littéralement changé dès le lendemain de l'émission. Après son passage avec Messmer, Claude Legault se faisait parler uniquement de sa séance d'hypnose avec le fascinateur sur le plateau. En entrevue de promotion à travers la province pour la sortie de son film Les 7 jours du talion, on ne lui parlait que de son hypnose. Durant des années, Serge Chapleau recevait la visite des raéliens au Salon du livre à la suite de sa prise de bec avec Raël. Son passage mouvementé lors de la première émission a été l'un des moments marquants de TLMEP. On nous en parle encore aujourd'hui!»

Et maintenant, la question qui tue: Pourquoi un autre livre sur une émission de Radio-Canada?

«J'ai voulu décrire la préparation des émissions, les réunions de production, l'arrivée des invités, les costumes-coiffure-maquillage (CCM), l'attente, le décor, l'enregistrement, les moments forts et les malaises. Comme si les lecteurs accompagnaient l'équipe en coulisses. Avant, pendant et après le tournage de l'émission.»

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Tout le monde en parle. L'envers du décor, de Carole-Andrée Laniel, Éditions La Presse, 223 pages. En librairie le 3 novembre.

Diplômée en communications de l'Université du Québec à Montréal, Carole-Andrée Laniel a fait une brève carrière en journalisme avant de devenir recherchiste à Radio-Canada. Elle a travaillé 12 ans pour Marie-France Bazzo et Christiane Charette, à la radio et à la télévision. Elle est rédactrice de l'émission TLMEP depuis 2004.