Une «conversation» doit se tenir au pays quant à l'avenir de CBC/Radio-Canada, estime son président-directeur général, Hubert Lacroix, qui est néanmoins demeuré vague sur les modalités de cette grande discussion nationale.

Le dirigeant n'est cependant pas allé jusqu'à plaider, lundi, en faveur de la tenue d'une commission parlementaire publique sur l'avenir du radiodiffuseur, comme l'a fait le Syndicat des communications de Radio-Canada (SCRC) il y a quelques jours. Il s'est contenté de mentionner qu'il ne voulait pas accoucher d'un rapport qui serait «tabletté» à l'issue de cette conversation.

L'appel au dialogue est lancé au public - qui pourra notamment s'exprimer sur des plateformes de réseaux sociaux -, mais également aux dirigeants d'autres entreprises du secteur des communications qui sont encadrées par la Loi sur la radiodiffusion, comme les fournisseurs de service de téléphonie ou d'Internet, a fait valoir M. Lacroix.

Les artisans de la société d'État, qui ont effectué quelques sorties médiatiques au cours des derniers jours afin de témoigner de leur inquiétude, sont également invités à y contribuer, a-t-il assuré à l'issue du discours qu'il a livré devant le Cercle canadien de Montréal.

«Je crois que tout le monde a droit à son opinion, a dit M. Lacroix. Jamais je ne vais bâillonner quelqu'un ou empêcher un radio-canadien d'avoir une opinion, qu'elle soit conforme ou différente à la mienne.»

Selon le dirigeant, la société d'État pourrait se voir obligée de revoir son mandat - qui a été renouvelé pour la dernière fois en 1991, alors que l'«écosystème médiatique» était complètement différent - car il y a inadéquation entre le niveau de service qu'elle est tenue de livrer et le financement qui lui est consenti par Ottawa.

CBC/Radio-Canada devrait-elle décider tout de suite du moment où il lui faudra cesser d'offrir son service de télévision hertzienne? Réduire davantage son portefeuille immobilier? Se retirer des régions avant les radiodiffuseurs privés ou être la dernière à s'intéresser aux nouvelles locales et à en diffuser?

Les pistes de solution sont nombreuses, mais aucune n'est simple, comme l'a illustré Hubert Lacroix.

Mais chose certaine, «si nous croyons à la radiodiffusion publique, nous devons l'appuyer, ajuster son mandat aux réalités actuelles, et lui donner les ressources dont elle a besoin pour remplir son mandat», a-t-il affirmé lors de son allocution.

La subvention gouvernementale attribuée à CBC/Radio-Canada atteint désormais 29 $ annuellement par habitant, ce qui est nettement en deçà de la moyenne internationale, qui est de 82 $.

«Bref, quand nous tenons compte des 18 pays occidentaux les plus importants, le Canada se classe au 16e rang pour le financement public par habitant, tout juste devant la Nouvelle-Zélande et les États-Unis», a exposé Hubert Lacroix, qui a voulu profiter de cette occasion pour mettre de l'avant «des faits» et les connecter.

La timidité du ton a déplu à Denis Bolduc, secrétaire général du SCFP-Québec, qui représente les techniciens et les travailleurs de bureau à Radio-Canada.

«Il a posé une série de questions sur le mandat de Radio-Canada. J'aurais aimé l'entendre défendre la société d'État, dire: «Moi, je vais aller me battre pour que Radio-Canada ait un financement adéquat. Pas un financement qui fond d'année en année'», a-t-il affirmé à l'issue du discours.

De son côté, le président du Syndicat des communications de Radio-Canada, Alex Levasseur, a dit avoir remarqué un changement de discours.

«J'entends pour la première fois depuis des années (...) une affirmation que la situation financière actuelle ne peut plus durer. M. Lacroix fait appel à du financement, et il était plus que temps qu'il lance ce cri-là», a-t-il suggéré.

M. Levasseur a par ailleurs dit espérer que les décideurs politiques se montreront à l'écoute des préoccupations de la population canadienne qui prendra part à cette consultation.

«Dans un peu plus de 15 mois, ils seront en élections; je pense qu'ils vont avoir intérêt à écouter ce que les Canadiens ont à dire parce que ce sont leurs électeurs», a-t-il laissé tomber.

Dans son dernier budget, Ottawa a imposé à CBC/Radio-Canada de nouvelles compressions de 130 millions $, ce qui entraînera la suppression de l'équivalent de 657 postes à temps plein au cours des deux prochaines années.

La semaine dernière, la division de l'information en français de Radio-Canada a annoncé la disparition de 35 postes dès cette année et de 12 autres l'an prochain en raison des compressions de 5,7 millions $ que doit encaisser ce secteur de la société d'État.