Les bagarres au hockey: mal nécessaire, bon spectacle ou aller simple vers les maladies neurologiques? Dans Bagarreurs inc., documentaire de Sophie Lambert présenté à Canal D, chacun a l'occasion de présenter son point de vue. «Je ne voulais pas une approche pamphlétaire. Pour moi, ce qui compte, c'est que les gens se fassent leur propre opinion», dit la cinéaste en entrevue.

Au coeur du film, on retrouve Danick Paquette, jeune homme de 23 ans qui tente d'accéder à la Ligue nationale de hockey à la force de ses poings. Sa famille forme son premier fan-club. Le travail de Danick, on le défend férocement.

Le jeune hockeyeur est conscient du rôle qu'il a à jouer. Dans son entourage, on défend la valeur du bagarreur. Sans sa présence, les joueurs les plus talentueux seront victimes d'intimidation, voire de coups vicieux, soutient-on. Un de ses entraîneurs compare le travail des bagarreurs au parapluie antinucléaire des superpuissances.

De l'autre côté des poings, il y a ceux qui se dressent contre la violence au hockey. Devant la caméra de Mme Lambert défile par exemple le neuro-psychologue Louis de Beaumont dont les recherches sur les coups à la tête font peur. Deux journalistes sportifs, Dany Dubé de Radio-Canada et notre collègue Mathias Brunet de La Presse (également scénariste du film), sont totalement contre les bagarres.

Entre les deux camps, on retrouve les spectateurs (très en faveur) ainsi que d'anciens durs à cuire tels Chris Nilan, André Roy, Georges Laraque et Gino Odjick. Chacun défend son travail passé et admet avec plus ou moins de vigueur que les batailles répétées les ont peut-être ralentis.

Mme Lambert, qui n'aime visiblement pas la violence, dit avoir voulu aborder la question de la façon la plus ouverte possible. «On peut bien vouloir dénoncer quelque chose, mais il faut savoir pourquoi ça existe, dit-elle. Je ne voulais pas arriver dans cet univers avec mes gros sabots. Je sentais qu'il y avait derrière la bagarre une certaine culture du sport.»

Au terme du projet, elle dit «comprendre» la structure existante, mais ne pas du tout l'approuver. Mme Lambert est arrivée dans le projet à la suite du retrait de Philippe Falardeau (demeuré consultant à la scénarisation). Même si ses connaissances du sujet étaient très limitées, elle a trouvé le sujet tout à fait compatible avec ses champs d'intérêt.

«J'aime le côté pervers de l'humanité, c'est ce qui la rend intéressante, dit-elle. Nous ne sommes pas que des êtres noirs ou blancs. Et la bataille rejoint le côté diabolique qu'il y a en nous.»

Un père fascinant

Au-delà de Danick Paquette, c'est le rôle de son père Lucien, son plus grand fan, qui est fascinant. C'est aussi le sentiment qu'a eu Mathias Brunet en faisant sa connaissance.

«Lorsque nous avons rencontré Lucien Paquette, je me suis dit que le film était là. Si nous avions fait une fiction, nous n'aurions pas pu trouver un personnage plus riche que lui. Certains le trouvent odieux alors que d'autres vont retenir la tendresse qu'il exprime envers son fils et vont le trouver attachant.»

Chose certaine, lorsque le film a été présenté en première mondiale au Festival de cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, M. Paquette et Georges Laraque ont été hués dans la salle. «Ça brassait», se remémore Mathias Brunet. Mais ce dernier reconnaît avoir eu des appréhensions avant de présenter le film tellement il est susceptible de polariser les opinions. S'il avait été présenté dans un aréna au lieu d'un cinéma, les huées auraient pu autant être pour Mme Lambert et lui.

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Bagarreurs inc. est présenté dimanche à 19h sur Canal D.