Dans les coulisses de Saturday Night Live

Télé-Québec diffusera à l'hiver deux épisodes de la version québécoise de Saturday Night Live, aussi connu sous le sigle SNL, dont les droits d'adaptation ont été achetés par les producteurs Fair-Play et Zone 3. Louis-José Houde animera la première de SNL Québec (8 février), tandis que Stéphane Rousseau pilotera la deuxième (22 mars). Le week-end dernier, Hugo Dumas a suivi Stéphane Rousseau dans les coulisses du Saturday Night Live original, dans les studios de NBC, où il a fait un stage d'observation et d'immersion. En direct de New York, c'est samedi soir!

Un dernier coup de brosse à cheveux, un rajustement de perruque et une retouche maquillage sur un front luisant, ça bourdonne dans le mythique studio 8H de la tour de NBC au 30, Rockefeller Plaza, en plein centre de New York. Le fameux 30 Rock.

Plutôt détendu dans ce tourbillon, le légendaire producteur Lorne Michaels, 68 ans, les mains croisées derrière le dos, inspecte les décors du bureau ovale qui serviront pour la saynète d'ouverture.

Il est 23h25 et il règne une fébrilité grisante et difficilement descriptible dans cet espace étonnamment très petit. Minuscule, même. Le filiforme Eminem, qui a perdu énormément de poids, se terre dans sa loge avant son tour de rap, prévu autour de minuit. Avec l'humoriste Stéphane Rousseau et la productrice au contenu Josée Fortier (qui a créé Samedi de rire, une production similaire), nous sommes assis dans la première rangée du balcon, directement en face de la scène principale. Une vue de rêve.

Trois sièges à côté de notre trio se trouve Shonda Rhimes, une des productrices les plus influentes de Hollywood avec, accrochés à sa ceinture, des succès planétaires comme Grey's Anatomy, Private Practice et Scandal. Tel un groupie fini, je lui confesse mon admiration pour son travail. Elle réagit à peine. Je rougis (un peu) et regagne mon siège, penaud. Bye, Shonda.

Ce n'est pas un hasard si Shonda Rhimes a fait le voyage de Los Angeles jusqu'à New York. Car l'animatrice de SNL ce soir n'est nulle autre que la magnifique Kerry Washington, vedette du feuilleton de l'heure Scandal, la dernière création de Mme Rhimes.

Machine huilée

La lumière rouge de la caméra s'allume et la machine parfaitement huilée de SNL ne s'arrêtera que 90 minutes plus tard, le temps que Kerry Washington enfile les costumes d'Oprah Winfrey, Michelle Obama, Miss Ouganda, un clown d'école secondaire et l'adjointe sexy d'une motivatrice de pacotille, entre autres.

Pendant les pauses publicitaires, c'est hallucinant d'assister, directement sous notre nez, aux changements de décor ultra rapides. Il faut dire qu'une cinquantaine d'employés de soutien foulent le plancher et exécutent un ballet technique chorégraphié et répété des centaines de fois. Avant la «vraie» représentation de 23h30, la troupe de SNL répète devant public de 20h à 22h, tous les samedis. Une sorte de générale, avec costumes et perruques.

Ce qui m'a le plus étonné? Le célèbre segment du Weekend Update (le faux bulletin d'information), chauffé cette saison par Seth Meyers et Cecily Strong, se déroule devant un mur en carton planté devant l'orchestre de SNL. C'est aussi simple que ça.

Les gradins, où s'alignent des sièges prêtés par le Yankee Stadium en 1975, ne contiennent pas plus de 250 personnes. Conséquence: c'est à peu près impossible pour le commun des mortels de se dénicher un billet pour SNL, à moins de connaître quelqu'un d'influent dans l'équipe.

Atmosphère vintage

L'univers de SNL baigne dans une atmosphère vintage typiquement new-yorkaise. Au 17e étage de la tour de NBC, où loge l'équipe de production (auteurs, comédiens, réalisateurs, etc), le poids des traditions se voit et se sent partout. Dans les corridors, comme dans un musée de la télévision, des portraits de tous les acteurs de l'émission ornent chaque centimètre carré des murs.

Et ces bureaux au charme suranné n'ont probablement pas été rénovés en 40 ans. Le tapis commercial est usé jusqu'à la trame. Les espaces de travail des vedettes, comme celui partagé par les comédiennes Vanessa Bayer et Aidy Bryant, ressemblent à des chambres d'étudiants dans une résidence universitaire avec des lumières de Noël accrochées au plafond, des poupées et d'autres babioles entassées sur des étagères pleines. Si vous regardez la sitcom 30 Rock, largement inspirée du passage de la géniale Tina Fey à SNL, dites-vous que ce n'est pas loin de la réalité, mais en plus laid. Et en plus crade.

«Moi aussi, j'imaginais des bureaux modernes. C'est très old school ici. Tu as vraiment l'impression que le passé de l'émission est toujours très présent. J'ai regardé les bonnes vieilles années de SNL avec Chevy Chase et Dan Akroyd. Ces dernières années, j'ai moins regardé, mais je suis revenu à l'époque de Dick in a Box [avec Justin Timberlake et Andy Samberg]», explique Stéphane Rousseau en entrevue à La Presse.

À l'intérieur de la «chambre d'écriture», où tout le contenu des épisodes s'esquisse, à peu près tous les auteurs portent le même uniforme: chemise à carreaux, jeans skinny, baskets aux pieds ainsi qu'une tuque ou une casquette enfoncée sur la tête. Il y a des MacBook partout. Et les machines Nespresso ronronnent en permanence.

De tous les départements que nous avons visités, c'est la salle des maquillages et des effets spéciaux qui a le plus impressionné Stéphane Rousseau. «J'ai toujours aimé les maquillages, les costumes et les effets spéciaux. J'aime jouer dans des sketches, j'aime beaucoup la musique et j'adore les trips de gang. J'ai plein de costumes chez moi. Je les ai gardés pour mon gars. Je n'ai jamais de problème à l'Halloween», note l'humoriste de 47 ans, dont les influences humoristiques sont très américaines. Il cite notamment Richard Pryor, Bill Cosby et Billy Cristal, des monuments du stand up.

Dans quatre mois, Stéphane Rousseau entrera dans la légende de ses idoles quand la phrase «en direct de Montréal, c'est samedi soir» résonnera sur le plateau qu'il chauffera. Très hâte de voir ça.

Ils ont marqué SNL

En 39 saisons à l'antenne, plusieurs grandes stars de l'humour américain ont lancé leur carrière ou fait un passage hyper remarqué à Saturday Night Live. Voici quelques-uns - et quelques-unes - des plus célèbres comiques à être sortis de cette usine télévisuelle.

Dan Akroyd : 1975 à 1979

Jim et John Belushi : 1975 à 1979 et 1983 à 1985

Chevy Chase : 1975 et 1976

Billy Crystal : 1984 et 1985

Robert Downey Jr. : 1985 et 1986

Jimmy Fallon : 1998 à 2004

Will Ferrell : 1995 à 2002

Tina Fey : 2000 à 2006

Julia Louis-Dreyfus : 1982 à 1985

Eddie Murphy : 1980 à 1984

Bill Murray : 1977 à 1980

Mike Myers : 1989 à 1995

Adam Sandler : 1991 à 1995

Kristen Wiig : 2005 à 2012

Chris Rock : 1990 à 1993

Sarah Silverman : 1993 et 1994

C'est quoi SNL?

SNL est une émission à sketches mise en orbite par NBC en octobre 1975. Une sorte de mini Bye Bye hebdomadaire. Tous les samedis, entre 23h30 et 1h, une quinzaine de comédiens pratiquent leur art en direct devant public. Il n'y a pas d'animateur attitré à SNL, car il change toutes les semaines. Même chose pour l'invité musical.

Un peu comme à Dieu, merci de TVA, SNL Québec a embauché six acteurs maison (trois gars, trois filles, dont Léane Labrèche et Virginie Fortin), qui apparaîtront dans les numéros humoristiques.

De la même façon qu'aux États-Unis, l'animateur québécois, qui se greffera également aux sketches, changera d'une émission à l'autre. SNL Québec pourra puiser dans la banque d'idées et de personnages de toutes les éditions du SNL américain. Les factures visuelles seront identiques. Il y aura aussi un band en studio avec Louis-José Houde et Stéphane Rousseau.

Télé-Québec a toutefois programmé SNL Québec entre 21h et 22h30. L'émission passera, évidemment, en direct. Si les deux premières présentations cartonnent, Télé-Québec ramènera sans doute SNL Québec à l'automne sur une base plus régulière.

L'après-party privé

Une fois l'émission terminée, vers 1h30, tous les acteurs, musiciens et employés de SNL se réunissent dans un restaurant pour fêter la fin d'une autre semaine de fou. Le lieu, entièrement loué et réservé par la production, est toujours tenu secret afin d'éviter les attroupements de fans.

Avec Stéphane Rousseau et quelques membres de l'équipe de production québécoise de SNL, nous avons été invités à cette sauterie ultra privée. C'était au Asellina de l'hôtel Gansevoort sur Park Avenue. Entre vous et moi, il n'y avait pas de quoi «écrire à sa mère».

Le grand manitou Lorne Michaels, créateur de cet univers flyé, mangeait à sa table avec sa garde rapprochée. Personne n'est venu perturber son repas. L'actrice Kerry Washington était la seule assise à une immense table circulaire. Eminem et ses musiciens picoraient complètement à part des autres. Seth Meyers, l'auteur principal et lecteur du faux bulletin d'information, a fait le tour de plusieurs tables.

Les histoires croustillantes se passent souvent à l'après-après-party, qui décolle dans un autre club, vers 4h30. Pour y accéder, il faut connaître un mot de passe qui circule tard dans la nuit. Mais rendu à cette heure-là, disons que l'appel du lit était plus fort que celui des shooters.

Méthodes de production vintage

Autre truc surprenant de SNL, c'est qu'aucun acteur de la troupe n'apprend ses textes par coeur. Ils lisent tous leurs répliques sur de gros cartons - les fameuses cue cards - que tiennent des techniciens à la hauteur des caméras. Une technique de la vieille école, maintenant remplacée par des télésouffleurs dans la plupart des stations de télévision.

Dans un minuscule recoin, quatre jeunes scripteurs sont d'ailleurs occupés (à temps plein) à rédiger ces cartons, avec un code de couleur spécifique à chacun des acteurs. Un ventilateur pousse l'air près d'eux pour éviter l'intoxication aux émanations de crayon-feutre (ce n'est pas une blague).

À l'écran, certaines portions de SNL peuvent avoir l'air broche à foin, limite théâtre d'été. Mais dites-vous que la préparation derrière tous les sketches est immense. Chacun des acteurs de SNL fait mouler sa tête au début de la saison (avec la position précise de la ligne de cheveux) pour accélérer la production des perruques. La plupart des postiches sont d'ailleurs confectionnés avec de véritables cheveux humains, ce qui coûte une fortune.

Les soirs d'enregistrement, chacun des acteurs de la troupe de SNL - ils sont souvent une quinzaine - dispose d'une équipe de trois personnes qui les suivent pas à pas. Maquilleur, coiffeur et habilleur s'assurent ainsi que tous les comédiens apparaissent de façon impeccable dans nos télés HD. La plupart du temps, les costumes s'enlèvent derrière un simple rideau. Pas le temps de se rendre jusqu'à la loge.