Les américaines Homeland et The Killing inspirées de fictions israélienne et danoise, ou maintenant la franco-britannique Tunnel bientôt sur Canal+, d'après la scandinave Bron: les adaptations de séries étrangères à la sauce locale ont le vent en poupe.

Le phénomène n'est pas nouveau, mais il s'est accentué. Il concerne surtout les Américains, gros pourvoyeurs de séries, mais pas seulement. Tout comme les jeux et divertissements, les séries voyagent de plus en plus via l'achat de leur seul «format», c'est-à-dire de leur concept, afin d'en faire une adaptation locale, correspondant mieux aux habitudes du public national.

La série américaine à succès Homeland, dont la saison 3 est diffusée depuis fin septembre aux États-Unis, en est un des exemples récents les plus célèbres. Elle est directement inspirée du concept de l'israélienne Hatufim, histoire de deux Israéliens de retour de captivité au Liban. Avant cela, d'autres séries israéliennes avaient été adaptées à la sauce américaine, comme Betipul, qui avait donné In Treatment.

Les producteurs américains se sont aussi intéressés au filon nordique. La série policière danoise The Killing a ainsi fait l'objet d'un remake américain remarqué. Quant à la telenovela colombienne de la fin des années 90 Yo soy Betty, la fea, elle a inspiré de nombreuses adaptations, dont l'américaine Ugly Betty (2006).

Dans le même esprit, Français, Britanniques et Américains ont jeté leur dévolu sur la série policière suédo-danoise Bron (Broen en danois), qui débute par la découverte d'un corps sur un pont à la frontière entre Danemark et Suède.

Elle a donné lieu à deux adaptations. L'une américaine, avec l'actrice Diane Kruger, intitulée The Bridge, diffusée cet été aux États-Unis, transpose l'intrigue à la frontière américano-mexicaine.

L'autre, franco-britannique, et diffusée à partir du 11 novembre sur Canal+, avec l'actrice française Clémence Poésy et le Britannique Stephen Dillane (Game of Thrones), situe le crime initial dans le tunnel sous la Manche, obligeant les policiers des deux pays à travailler ensemble.

«Meilleur modèle d'affaires»

«Dans ce principe de coopération policière binationale, il y a quelque chose qui appelle à être adapté ailleurs», estime le cinéaste français Dominik Moll (Harry, un ami qui vous veut du bien), qui a réalisé les deux premiers épisodes et signé la série avec le scénariste britannique Ben Richards.

Coproduite par Shine France et la société britannique Kudos (groupe Shine) pour Canal+ et la chaîne anglaise Sky Atlantic, la série reste dans le même groupe: Bron avait été produite par Filmlance, autre filiale de Shine, et l'adaptation américaine par Shine USA.

Transposer localement un concept qui marche «est peut-être un meilleur business model à terme pour les groupes de productions internationaux que les coproductions» entre pays, estime Bertrand Villegas, cofondateur de la société The Wit, qui analyse les tendances audiovisuelles.

«C'est sûrement moins risqué que de chercher le sujet qui va réconcilier toute la planète», ajoute-t-il, d'autant que pour une série policière par exemple, «l'oeil du téléspectateur est formé à voir soit un flic américain, soit de son pays».

«Le business du format, c'est vraiment dans la grosse tendance du moment», soulignait aussi récemment à l'AFP Laetitia Recayte, à la tête de Newen Distribution, qui a négocié la vente des droits d'adaptation de la série de France 2 La source.

«Cela fait à peu près cinq ou six ans ans que c'est assez actif», juge-t-elle, notamment depuis la grève des scénaristes à Hollywood en 2007-2008, qui a poussé les Américains à «regarder ce qui se faisait à l'étranger».

Après Israël ou la Scandinavie, d'autres pays attirent. C'est le cas de la Turquie, dont la série The End devrait être adaptée aux États-Unis, ou encore la France, avec des remakes américains attendus des Revenants ou de Maison close.