Chaque année, de janvier à avril, Yanic Truesdale rembarque dans la même galère: une course aux auditions dans le but de décrocher un rôle pour l'enregistrement d'un pilote de série américaine.

Et ce n'est pas parce qu'il a défendu un personnage important dans Gilmore Girls qu'on lui offre des rôles sur un plateau d'argent. Comme la très grande majorité des acteurs hollywoodiens, ce comédien québécois passe et repasse des auditions. Auditionner à Los Angeles, c'est la norme!

«Il n'y a pas un acteur sur Terre qui n'aime pas mieux se faire offrir directement un contrat. Mais ici, ce n'est pas la réalité, dit le comédien établi dans la Cité des Anges depuis 15 ans. Ce processus fait partie de la carrière d'un acteur américain pour le reste de ses jours.»

La réalisation d'une série de télévision américaine est basée sur le pilote. Les grands réseaux en commandent plusieurs, mais seulement quelques-uns sont retenus. Les autres passent à la trappe, mais les participants en tirent un bon salaire, souvent le double du cachet d'un épisode de série. «En signant pour un pilote, on s'engage pour un an ou plus. Si le projet de série n'est pas retenu, on a au moins une compensation», explique M. Truesdale.

Les auditions visent à dénicher les comédiens principaux. Selon les thèmes à la mode et le profil de personnage recherché, un comédien comme Truesdale peut faire de deux à trois auditions par semaine. «Si tu as 22 ans et que les gens te connaissent, tu peux avoir trois auditions par jour. Tu cours d'un bout à l'autre de la ville.»

En audition, le comédien doit souvent donner la réplique à un agent de casting, ce qui n'est pas l'idéal. «Moi, on me veut souvent pour de la comédie où tout est dans le timing, dit Truesdale. Or, avoir du timing avec quelqu'un qui lit platement toutes les répliques, c'est ingrat. Il faut développer des techniques pour apprendre à jouer sans cette rétroaction.»

Le bon choix

Truesdale n'a pas décroché de rôle récent aux États-Unis. Son dernier pilote remonte à trois ans. «Je pourrais écrire un livre sur le nombre de fois où ç'a été entre quelqu'un d'autre et moi, dit-il. Plusieurs facteurs font la différence. Sans la ténacité et la patience, tu n'y arrives pas.»

Dans son cas, il travaille, enchaîne les auditions et mousse des projets. Il a passé trois mois à New York l'automne dernier à proposer une pièce de théâtre dans laquelle il jouerait.

«Ça fait 10 ans que je ne suis pas monté sur les planches, parce que lorsqu'on est engagé pour une série ici, on ne fait rien d'autre. Ce n'est pas comme à Montréal où les gens vont t'accommoder pour que tu joues tes scènes le jour afin de pouvoir être au théâtre le soir.»

Le comédien qui aura 43 ans le 17 mars garde des liens avec le Québec. L'an dernier, il interprétait Yan, animateur de talk-show cassant dans Mauvais karma. «Ce n'est pas moi! C'est un personnage, lance Truesdale en s'esclaffant. J'ai eu un grand plaisir à le faire parce qu'Isabelle [Langlois, la scénariste] écrit très bien. Je comprends son cynisme et son sarcasme.»

Mme Langlois lui renvoie l'ascenseur: «C'est fort agréable de lui confier une partition parce que Yanic a un timing naturel. Il manie bien l'ironie et l'euphémisme. Son jeu est précis.»

Truesdale est heureux de ses choix. «Aussi longtemps qu'on auditionne, ça veut dire qu'on a des occasions, lance-t-il. M'installer à Los Angeles a été le plus gros risque de ma vie! J'ai été déstabilisé. Je quittais mon milieu, ma langue, ma culture. Je ne connaissais personne et mon anglais n'était pas parfait à l'époque. J'étais naïf et courageux. Mais je pense que le courage vient parfois avec la naïveté. Sans cette naïveté, tu ne fonces plus, tu n'oses plus et tu restes dans ta petite boîte.»