À l'âge de 19 ans, tout de suite après le succès de Séraphin, Karine Vanasse est partie à New York, à la recherche d'un agent qui lui ouvrirait les portes d'une carrière américaine. À défaut d'un agent, elle a trouvé un prof qui lui a fait faire du yoga pendant six mois. Convaincue qu'elle avait raté sa chance, Karine ne pouvait imaginer qu'un jour, elle reviendrait par la grande porte avec un premier rôle dans une série américaine.

Le rendez-vous avait été fixé à 9 h dans un café de TriBeCa, tout près de l'endroit où Karine Vanasse s'est installée en juillet pour le début du tournage de Pan Am, qui raconte les hauts et les bas de quatre hôtesses de l'air pendant les années 60. Mais quand décolle une série aussi importante, produite pour un aussi grand réseau que ABC, la turbulence et les retards sont assurés. Notre rendez-vous du matin a été reporté d'heure en heure pendant toute la journée. Ce n'est qu'à minuit que Karine Vanasse, qui interprète l'hôtesse de l'air Colette Valois, a été libérée. C'est d'ailleurs le mot qu'elle a utilisé dans son message texte. «Enfin libérée! J'arrive!»

Il est minuit et des poussières. Nous avons rendez-vous devant les barbelés et les nouvelles tours de Ground Zero, pour la photo. Il fait froid, il fait noir et, gracieuseté de l'ouragan Katia, il pleut des clous. Karine Vanasse est debout depuis 6 h. Elle a tourné toute la journée à Brooklyn, se réfugiant à l'occasion dans une roulotte, au tapis rose dentier et à l'odeur de désinfectant. Et, pourtant, la voilà qui débarque du taxi, fraîche comme une rose, très New York 2011 avec ses leggings, ses bottes de pluie et ses cheveux ramenés sous un mignon Borsalino. Le photographe la mitraille de flashs, la pluie redouble d'ardeur, son parapluie se retourne comme un gant sous les rafales du vent, mais Karine ne perd pas une seule seconde son sourire ni sa bonne humeur. Professionnelle jusqu'au bout des doigts. Comme l'enfant actrice qu'elle a été autrefois.

«Sur Pan Am, nous sommes deux ex-enfants actrices: Christina Ricci, qu'on a découverte dans La famille Addams, Casper et plein de films pour enfants, et moi. Or, je me rends compte qu'on a les mêmes réflexes sur le plateau. Au lieu de s'enfermer dans notre loge, on se mêle à l'équipe technique, on parle au monde avec la conscience que, oui, on est là pour notre talent, mais que c'est notre professionnalisme qui va faire qu'on va durer.»

Sans trop y croire

C'est en février dernier, au moment de monter sur les planches du Rideau Vert, que Karine Vanasse a eu vent, par l'entremise du réalisateur Yves Simoneau, du fait que les producteurs de Pan Am cherchaient une actrice francophone pour interpréter Colette Valois. «Je savais que je n'étais nulle part sur le radar et que j'avais peu de chances d'obtenir un rôle. Ce qui m'intéressait, c'était de me faire connaître de la directrice de casting et de passer une audition. Point. La suite, je n'y pensais même pas.»

Karine a enregistré l'audition sur vidéo au lendemain de la première d'In extremis au Rideau Vert et de son passage à Tout le monde en parle. Elle l'a fait sans trop y croire, convaincue que c'était trop tard, qu'elle avait raté sa chance, il y un peu moins de 10 ans, en s'installant à New York dans l'espoir d'être remarquée par un agent.

«À 19 ans, en arrivant à New York les premières semaines, j'ai rencontré plein de gens du milieu. Mais, très vite, j'ai compris que tout ça ne donnait pas grand-chose et je me suis tournée vers le yoga. En réalité, je ne me faisais pas assez confiance. J'avais l'impression de ne pas correspondre aux critères de la grande blonde aux yeux bleus que les producteurs recherchent habituellement. J'ai décidé de laisser tomber. Dans ma tête, c'était réglé. J'avais fait un choix, celui de revenir à Montréal et de travailler sur Polytechnique. Tant pis pour la carrière américaine.»

Qui ne risque rien...

Huit ans plus tard pourtant, après une audition vidéo convaincante, l'actrice de 27 ans était convoquée à New York pour rencontrer le réalisateur de Pan Am. Le moment tombait mal. Karine jouait au théâtre tous les soirs. Mais, magie du destin, il lui restait une petite fenêtre de liberté pendant deux jours de relâche. Elle en a profité. En arrivant aux mythiques studios Astoria, installés depuis 1921 dans Queens, Karine était à la fois euphorique et anxieuse. Pour se calmer, elle ne s'est pas assise sur la chaise qui lui était réservée, mais sur une caisse de pommes en bois. «Assise sur ma caisse de pommes à côté de l'équipe technique, j'avais l'impression de me grounder et de relativiser tout ça. Je me disais que le pire qui pouvait arriver, c'est que je n'aie pas le rôle. Et que je n'en mourrais pas.»

Peu de temps après, pourtant, les producteurs lui annoncent qu'elle a le rôle, du moins pour le tournage du pilote. Karine est flattée, mais très embêtée. Avant cette folle aventure, elle s'était engagée auprès de Fabienne Larouche pour une continuité dans 30 vies et auprès de Xavier Dolan pour un petit rôle dans son nouveau film. Dilemme. Va-t-elle tout balancer en l'air au Québec pour une émission pilote américaine qui n'est même pas assurée d'être achetée par le diffuseur, et auquel elle doit accorder une exclusivité sans la moindre garantie?

«Sur le coup, j'ai décidé que le risque n'en valait pas la chandelle, d'autant que j'avais de beaux projets à Montréal. J'étais sur le point d'appeler les producteurs de Pan Am pour tout annuler quand mon chum (le producteur Maxime Rémillard) m'a dit: c'est quand on prend de grands risques que les grandes choses arrivent. J'ai compris que je ne pouvais pas laisser passer cette chance, non seulement de jouer dans une série américaine de prestige, mais en plus d'y interpréter une francophone.» Le reste, comme on dit, appartient à l'Histoire.

Contrat de six ans

Dès que le pilote de Pan Am a été accepté par ABC, Karine a signé un contrat de six ans avec Sony. «Ç'a a l'air long comme ça, dit-elle, mais en réalité, c'est juste une police d'assurance pour les producteurs. Ils s'assurent que tu n'iras pas ailleurs si jamais la série marche, mais eux, ils peuvent te renvoyer n'importe quand. Pour l'instant, nous avons tourné neuf épisodes. Dès la première diffusion, on va savoir si on se rend jusqu'à 22 épisodes ou si on quitte les ondes. Mais, pour l'instant, le buzz est bon et les gens semblent avoir hâte au début d'une série qui va leur faire revivre une époque incroyable au plan politique et social.»

Une actrice québécoise qui décroche un premier rôle dans un grand réseau américain, cela vient avec son lot de prestige, mais aussi d'obligations. Pour l'épauler dans sa carrière, elle paie désormais six personnes à temps plein: une agente pour le marché québécois, Allison, son agente anglo qui lui a obtenu le contrat de Pan Am, deux employés de 360 Management pour sa carrière américaine, Céline Kamina de l'agence artistique UBBA, son antenne en Europe, et une attachée de presse de ID PR, une grosse agence new-yorkaise qui gère l'image d'une foule de stars.

Quand on voyage en première classe, on ne voyage pas léger. Karine ne s'en plaint pas. «Plus t'as de monde, plus t'as du monde qui parle pour toi», dit-elle avec aplomb. Mais il ne faut pas croire que Karine ne pense qu'à sa carrière. Elle pense aussi beaucoup à Colette Valois, un personnage intense dont le sourire rayonnant cache un lourd secret et une vie pas facile.

«Pendant que je répétais l'épisode de Colette qui se passe à Berlin, lors de la fameuse visite de JFK, je n'arrêtais pas de texter les auteurs pour les remercier de m'avoir permis de me dépasser comme actrice en jouant dans des zones où je n'avais jamais joué avant. C'est vraiment stimulant.»

Dans les années 60, Pan Am offrait aux jeunes femmes diplômées la possibilité de voir le monde, de rêver à autre chose et de s'émanciper. Mais il y avait un revers: elles n'avaient pas le droit de prendre un kilo ni une ride, et leur carrière se terminait abruptement à 32 ans. Qu'à cela ne tienne. Les premiers élans de leur émancipation n'ont pas été vains. Grâce à elles, les jeunes femmes d'aujourd'hui peuvent voyager partout dans le monde, vivre où elles le veulent et rêver à l'impossible. Karine Vanasse en est le plus bel exemple.

> Une série dramatique campée dans les années 60 et mettant en vedette quatre hôtesses de l'air qui travaillent pour la mythique compagnie aérienne Pan Am, qui tirait son prestige du fait qu'elle n'offrait aux Américains que des vols internationaux.

> Conçue et écrite par Jack Orman, l'auteur de la série ER.

> Créée et réalisée par Thomas Schlamme, le réalisateur qui a signé la prestigieuse série The West Wing.

> Produite par Sony Pictures pour le compte du diffuseur ABC.

> L'actrice la plus connue de la série est Christina Ricci, 31 ans, originaire de Santa Monica, en Californie, une enfant actrice, révélée par La famille Addams, Casper et Sleepy Hollow qui, en vieillissant, s'est tournée vers le cinéma indépendant, jouant dans des films comme The Ice Storm, d'Ang Lee, ou Monster. À la télé, elle a tenu des rôles épisodiques dans Ally McBeal, Grey's Anatomy et Saving Grace. Dans Pan Am, elle interprète Maggie, l'hôtesse rebelle.

> La série prend l'antenne le dimanche 25 septembre, à 22 h, sur le réseau ABC et, à la même heure chez nous, sur CTV. Durée des épisodes: 1 h.

La première de Pan Am sera diffusée sur les ondes des réseaux ABC et CTV le 25 septembre, à 22 h.

Photo fournie par Sony Pictures Television

1. Momofuku: un noodle bar dans le East Village. Je traverse la ville à pied d'ouest en est pour aller manger mon bol de nouilles aux échalottes, raconte Karine. Ne vous laissez pas impressionner par la file d'attente.

2. Rosanjin dans TriBeCa. Restaurant japonais dont le décor contemporain contraste avec le service traditionnel qui met le client dans un état semi-méditatif. Prendre sept ou neuf services et goûter le vin de prunes.

3. Le bar du Jane Hotel. Pour aller danser dans le West Village. Décor magnifique avec foyer et rideau de velours rouge qui donne l'impression de danser au milieu d'un immense manoir. En prime, une musique énergique et tripante.

4. Le Love Truck, un camion de café ambulant qui se tient aux alentours de Wall Street et dont le café Chai Zing est exceptionnel même pour ceux qui boivent rarement du café.

5. Le Doughnut Plant dans le Lower East Side pour son beigne confiture-arachide. Un véritable délice dont la combinaison et la texture sont parfaites.

Photo: Alain Roberge, La Presse