Pendant cinq ans, Catherine Pogonat a fait sa marque à ARTV, en mangeant sa ville, les pieds dans la marge des musiques émergentes. Mais cet automne, c'est à MusiquePlus qu'elle réinvente la suite avec un talk-show diffusé en direct quatre soirs par semaine, au milieu d'un décor en carton rose avec vue imprenable sur la Sainte-Catherine.

Cheveux courts, pull rayé, grand sourire gamin, une jeune fille s'adresse directement à la caméra qu'elle tutoie. Elle se présente, dit qu'elle a 22 ans, qu'elle étudie en communications, qu'elle aime parler, qu'elle adore la musique et qu'elle espère un jour pouvoir dire «Ici, Catherine Pogonat» pour MusiquePlus. C'était en septembre 1998 et Catherine Pogonat était loin de se douter que 13 ans plus tard, elle reviendrait sur les lieux du crime, sans avoir besoin de passer une audition pour animer son propre talk-show.

Lundi soir, pour la toute première émission de Ste-Catherine, Pogonat a diffusé ce moment d'histoire qui dormait dans les archives de MusiquePlus depuis une décennie. Un début en forme de clin d'oeil qui donne la mesure du chemin parcouru.

Au moment de son audition pour devenir VJ à Musiqueplus, Pogonat vivait à Moncton. Fille d'une psy québécoise et d'un acteur et prof de théâtre roumain aujourd'hui disparu, elle étudiait à l'université et travaillait comme chroniqueuse à l'émission de radio Bande à part, enregistré à Moncton. C'est Pierre Marchand, le directeur de MusiquePlus, toujours à l'affût de nouveaux talents, qui lui avait offert de passer un screen test à Montréal. «J'y suis allée un peu sur un coup de tête en me disant que si j'étais engagée, ça serait un gros dilemme, car autant j'avais envie de faire de la télé, autant je tenais à finir mon bac en communications.»

En fin de compte, Pogonat n'a pas été choisie parce qu'elle ressemblait trop à Geneviève Borne sur le plan du style et des goûts musicaux. «La vie fait bien les choses finalement, dit-elle 13 ans plus tard, dans la mesure où si j'avais été embauchée à ce moment-là, sans avoir pu faire mes expériences et mes classes ailleurs, je serais devenue une tout autre animatrice. En même temps, je suis une enfant de MP. J'ai grandi en écoutant la chaîne. Et c'est à cause de MP, de son côté artisanal, jeune et flyé, que j'ai voulu faire de la télé autrement.»

Catherine Pogonat est trop polie ou trop diplomate pour le dire, mais comme VJ à MusiquePlus, elle n'aurait jamais pu développer sa personnalité, son originalité et sa créativité comme elle l'a fait à ARTV avec l'émission Mange ta ville qui lui a d'ailleurs valu un prix Gémeaux en 2009, l'année où elle a posé nue pour le calendrier de la chaîne. Mais cette page-là de sa vie est désormais tournée. Catherine Pogonat ne posera pas nue avant longtemps, mais elle ne rentre pas dans le rang pour autant.

Adulescente

Nous nous rencontrons dans un café du Plateau à quelques jours de la première de Ste-Catherine (qui a eu lieu lundi). Impossible de la manquer lorsqu'elle franchit le seuil du café. Elle fait 5'10, porte un short en jeans ultra, court, qui met en évidence ses longues jambes chaussées de botillons. À l'adolescence, son corps de grande asperge était une grande source de complexes, raconte-t-elle. Plus maintenant.

De loin comme de près, Pogonat est ravissante et habillée avec juste ce qu'il faut de désinvolture pour être furieusement cool, pour ne pas dire complètement hip. Sauf que ma remarque quant au fait qu'elle serait l'incarnation parfaite de la belle hipster la froisse. «Hipster, moi? J'espère que non. J'ai jamais été celle qui courait après la tendance du moment.» En revanche, Pogonat admet qu'à 35 ans, elle s'habille encore comme une ado et correspond sans doute à la définition de l'adulescente. «Le mot adulte me pose problème, dit-elle. En même temps, j'en suis une, c'est indéniable. J'ai un petit garçon de 3 ans. J'ai des obligations, mais je n'ai pas envie d'une vie rangée à horaire fixe. J'ai besoin de sortir du cadre et de ne pas m'enliser dans la routine. J'ai beaucoup déménagé dans mon enfance. Ma mère avait la bougeotte. Mon besoin d'être constamment en mouvement vient sans doute un peu d'elle.»

C'est en janvier dernier que MusiquePlus a pressenti Pogonat avec le projet de talk-show. «Après Mange ta ville, je n'avais pas envie d'un concept plate ou conservateur qui aurait dénaturé mon style d'animation. Or MP m'offrait un super beau terrain de jeu avec de la place pour de la fantaisie, la possibilité de jouer avec les codes du talk-show et de le faire avec Olivier Picard, un jeune réalisateur très talentueux qui a, entre autres, signé le clip Le bruit desbottes de Yann Perreau (sur une chorégraphie de Dave St-Pierre). Et puis, après cinq ans de reportage, je trouvais assez tripant de me jeter dans le direct comme animatrice.»

Tout au long des saisons de Mange ta ville, Pogonat n'a jamais hésité à se mettre en scène, en se déguisant ou en jouant des rôles, occupant au final une place aussi grande que ses invités, ce qui fit dire à certains qu'elle se prenait pour une artiste. Je lui demande si au fond d'elle sommeille une artiste frustrée qui un jour va finir par se lasser de vivre la création par procuration. Elle m'assure que non. «Je n'ai jamais rêvé d'être musicienne, chanteuse ou comédienne et je préférerai toujours écouter de la musique que de jouer du piano. Dans la vingtaine, j'ai pensé étudier dans une école de théâtre, comme ma soeur Brigitte qui est comédienne. Mais au moment de préparer mes auditions, je me suis rendu compte que je n'avais pas envie de m'exprimer avec les textes des autres, mais à travers mes mots et mes idées à moi.»

Quatre soirs par semaine, pendant 22 minutes, avec son sourire coquin, sa frange adulescente et son charme désinvolte, Pogonat apporte un vent de fraîcheur à une chaîne qui, en 1998, était peut-être à la fine pointe de la modernité, mais qui, en 2011, a un grand besoin de renouveau. Reste à voir combien de temps la cool et hip Catherine, lui restera fidèle.