La Cour d'appel de Versailles a reconnu à 56 participants de l'émission de téléréalité L'île de la tentation le statut de salarié et a condamné TF1 et sa filiale TF1 Production à leur verser entre 20 500 $ et 23 000 $ (entre 15 000 et 17 000 euros), ont indiqué mardi les avocats de la chaîne et des plaignants.

La Cour a en revanche refusé d'accorder aux participants le statut d'artiste-interprète.

Le montant total pourrait s'élever à 1,3 million $ (952 000 euros).

L'avocat des plaignants, Jérémie Assous, s'est félicité que la Cour ait reconnu l'existence d'un contrat de travail.

La relation entre la société de production et les participants est «une relation salariale, régie par le Code du travail», a estimé le tribunal dans l'un de ses arrêts consulté par l'Associated Press.

Elle a considéré que le règlement signé entre le participant et la société de production s'assimilait à un «lien de subordination caractérisé par l'existence d'une «bible» prévoyant le déroulement des journées».

Un lien qui serait également caractérisé par «des mises en scène dûment répétées, d'entrevues dirigées de telle sorte que l'interviewé était conduit à dire ce qui était attendu par la production», peut-on aussi lire dans les documents de cour.

Les plaignants ont concouru à L'île de la tentation entre 2003 et 2007. La Cour a établi la journée moyenne de travail entre 8 et 11 heures, selon les saisons de tournage, et fixé le salaire horaire à 25 $ (18,15 euros). Une émission se tourne en 12 jours.

«La prestation des participants à l'émission avait pour finalité la production d'un bien ayant une valeur économique», ont relevé les magistrats. Ils ont noté que l'élimination de concurrents, qui ne pouvaient quitter le lieu de tournage, s'assimilait à «une astreinte, voire à une permanence puisqu'effectuée, non pas à domicile, mais dans un lieu imposé», indemnisable par l'employeur.

«TF1 est déçu. Sur le plan du droit, on ne peut se satisfaire de cette requalification. Quinze mille euros, c'est beaucoup d'argent», a regretté l'avocat de TF1, Thibault Guillemin.

Reste qu'en juin 2009, la Cour de cassation avait jugé que la participation à une émission de téléréalité s'assimilait à un contrat à durée indéterminée (CDI) au regard du lien de subordination entre le producteur et les participants.

«C'est décevant. La Cour aurait pu prendre un avis divergent de celui de la Cour de cassation», a souligné Me Guillemin. Sa seule satisfaction, d'ordre «culturelle», est de constater que la Cour a refusé d'appliquer aux participants le statut d'artiste-interprète. Les magistrats ont estimé que «le métier d'acteur consiste à interpréter un personnage autre que soi-même». Dans cette émission, ils «n'avaient aucun rôle à jouer (...) Il leur était demandé d'être eux-mêmes.»

Au final, «c'est une nouvelle victoire qui permet, encore une fois, de manière définitive, de considérer que des participants d'émissions de téléréalité sont des salariés de société de production», s'est réjoui Me Assous, qui explique défendre près de 300 participants à diverses émissions de ce type.

Ces décisions de la cour d'appel de Versailles devraient, selon Me Assous, s'appliquer aux contentieux liés aux autres émissions de téléréalité en France comme Greg le millionnaire, Pékin-express ou encore Koh-Lanta, dont les temps de tournage sont beaucoup plus longs.