Les policiers aiment beaucoup la série 19-2, qui les présente sous un visage plus humain et plus courageux que celui de «donneux de contraventions».

Et cela vaut aussi pour les agents de la Sûreté du Québec (SQ), qui se font pourtant tirer la pipe dans cette série, où on les surnomme «les chevreuils». «Pour tout dire, ça m'est arrivé d'entendre «police de campagne» ou «gardien de fossé», mais «chevreuil», je ne l'avais jamais entendu!» lance en riant Jean-Guy Dagenais, président de l'Association des policiers du Québec et, donc, des agents de la SQ.

(Marcel, qui demande de rester anonyme, se souvient que ses collègues avaient baptisé les agents de la SQ «les cadets de la forêt».)

M. Dagenais espère que la série va «rapprocher les policiers des citoyens» et, oui, leur faire réaliser «qu'ils ne font pas que donner des contraventions».

La série évite d'ailleurs de montrer cet aspect moins reluisant du métier. Elle fait par contre très bien ressortir à quel point les policiers ne peuvent jamais baisser la garde tant une situation peut dégénérer à tout moment. M. Dagenais évoque les trois fois où il s'est fait tirer dessus et la fois où un homme qu'il venait d'arrêter pour excès de vitesse a été terrassé par une crise cardiaque et est mort sous ses yeux.

Ça se passait dans un petit village: «J'ai dû aller prévenir moi-même sa famille, qui m'a dit de ne pas m'en faire, que l'homme était malade du coeur et qu'il ne prenait pas ses médicaments.»

Pire encore, raconte M. Dagenais, il a dû aller annoncer à un ami, à 4h du matin, que son fils était mort. Annoncer à quelqu'un la mort de son enfant ou de son adolescent, et à plus forte raison quand il s'agit d'un ami, «ça ne s'oublie pas».

Guy Ryan, policier à la retraite, se réjouit aussi de ce que la série montre des aspects méconnus du travail des policiers. Sur la série, il n'en dira cependant pas plus, mais se lance dans une tirade très sentie contre ces policiers convertis en percepteurs de taxes déguisées.

«Près de chez moi, il y a un arrêt. Jamais, jamais je n'ai vu d'accident à cet arrêt-là. Mais ce que je vois, ce sont des gens se faire attraper par dizaines dans ce piège. Même des gens de 80 ans passés! Et c'est sans compter ces policiers qui se plantent directement à la sortie des autoroutes, alors que les gens roulent encore à 65 km/h dans une zone de 50 km/h.»

Et v'là la contravention!

«Quand on fait une police de revenus, on fait une police qui n'a pas de jugement.»

«Il manque un million à la Ville? Il faut donner plus de contraventions! déplore M. Ryan. Comprenez-moi bien: je ne suis pas contre les contraventions, mais elles doivent viser des gens dangereux. La police devrait conserver son autonomie.»

Et pour revenir à la série? Marcel la trouve lui aussi très réaliste. Si certains ont trouvé tiré par les cheveux le fait que le personnage de Réal Bossé rentre au boulot alors qu'il souffre manifestement d'épuisement professionnel, Marcel raconte que cela se produit bel et bien. «Des policiers déprimés qui rentrent au travail à reculons, ça arrive, tout comme des policiers qui se suicident.»

«Bien sûr, de nos jours, les syndicats s'assurent que les policiers qui ont été pris dans un échange de coups de feu bénéficient ensuite d'une pause ou se voient confier des tâches plus légères pendant un certain temps. Il y a 15 ou 20 ans, par contre, quand ça arrivait, on continuait notre journée comme si de rien n'était. Moi-même, je me suis fait tirer dessus deux fois dans la même semaine! Dans le temps, on prenait un petit scotch, puis on retournait en patrouille!»

«L'émission montre bien à quel point il faut être capable de retomber sur ses pattes et à quel point le danger est toujours présent, même quand on patrouille dans un coin tranquille. D'ailleurs, le dernier policier mort en service était en patrouille à Sainte-Anne-de-Bellevue.»

Ah, les collègues de patrouille!

Marcel s'est aussi amusé, au début de la série, de voir un policier découragé de devoir faire équipe avec un collègue taciturne. Passer toute une nuit avec un partenaire pénible, c'est long. «J'en ai déjà eu un qui fumait le cigare! J'en ai eu, aussi, que je trouvais trop nerveux ou, à l'inverse, trop nonchalants.»

Bernard Lerhe, président de la Fraternité des policiers et policières de la Ville de Québec, a souri, lui, devant cette scène où le sergent prévient ses troupes qu'elles auront beaucoup de boulot en cette soirée de pleine lune de début de mois. «De fait, le premier du mois, quand arrivent les chèques d'aide sociale, on est particulièrement occupés. Et c'est encore plus vrai s'il fait chaud et si les gens ont le coeur à la fête.»

M. Lerhe espère surtout que, après avoir vu la série, les gens cesseront de sauter aux conclusions et donneront davantage le bénéfice du doute aux policiers. «Dans le dernier épisode, on voit des passants scandalisés par l'arrestation d'une femme. Les gens ne voient souvent qu'une infime partie des interventions et ne voient pas, par exemple, ce que la personne a pu faire plus tôt.»

Ian Lafrenière, responsable des relations médias au Service de police de la Ville de Montréal, a collaboré de près à la série, dont les concepteurs tenaient à être fidèles à la réalité. Les comédiens ont fait de vraies patrouilles et des policiers ont agi à titre de consultants dans des scènes plus techniques. Une série de huit émissions a même été faite sur la préparation des comédiens.

M. Lafrenière assure cependant que la participation du SPVM s'est arrêtée là. «Ce n'est pas une série de propagande, nous n'étions pas coproducteurs et on n'a pas approuvé le scénario. Rien à voir avec la série 10-07, diffusée à TQS il y a quelques années, dans laquelle le SPVM s'était engagé de bien plus près, y compris dans l'écriture.»