Le Britannique Piers Morgan, qui a remplacé Larry King à CNN, avait une vie avant d'arriver dans les studios américains. Et elle n'était pas de tout repos. Portrait d'un comeback kid qui traquait les vedettes avant d'en devenir une.

«Je suis un petit con arrogant qui a eu beaucoup de chance.» Piers Morgan use d'une autodérision typiquement britannique pour se décrire. Mais l'ancien journaliste de 45 ans est plus malin qu'il voudrait le laisser entendre: on ne devient pas éditeur du tabloïd News of the World à l'âge de 28 ans par la seule générosité de la Providence.

Et on ne remplace pas le roi déchu de CNN, Larry King, grâce à la bonne fortune. Du moins, pas entièrement.

C'est pourtant à Piers Morgan, parfait inconnu aux États-Unis il y a encore cinq ans, que les patrons de CNN ont remis le flambeau.

Piers Morgan Tonight a fait ses débuts le 17 janvier devant 2,1 millions de téléspectateurs. De grosses pointures ont déjà défilé sur son plateau: Oprah Winfrey, Howard Stern, Condoleezza Rice, George Clooney et Ricky Gervais.

Mais les critiques espéraient plus de mordant du Britannique qui avait promis un style d'entrevue «dangereux». CNN l'avait présenté comme un intervieweur sans pitié pour ses invités.

Or, non seulement il n'a pas réussi à tirer une larme à Oprah Winfrey, mais il a pris des airs d'écolier en pâmoison devant elle, a fait remarquer The New York Times.

La déception était d'autant plus grande que les Américains le connaissent depuis 2006 dans le rôle du «méchant juge» d'America's Got Talent, à NBC.

Les Britanniques ne sont pas inquiets pour le comeback kid. «Il est trop tôt pour le dire vaincu, a écrit la semaine dernière Toby Harnden dans The Sunday Telegraph. Morgan possède cette qualité très américaine d'apprendre de ses erreurs et de s'ajuster.»

Drogues et canular

Né en banlieue de Londres en 1965, Piers Morgan est recruté comme chasseur de primeurs par The Sun en 1989. À 28 ans, il devient le plus jeune rédacteur en chef de l'histoire du News of the World, réputé pour ses pratiques intrusives avec les célébrités.

Deux ans plus tard, il fait le saut au Daily Mirror, où il publie notamment des lettres d'amour échangées entre la princesse Diana et son ancien amant, James Hewitt.

Honni par le grand public pour son arrogance et sa grande gueule, il semble affectionner les prises de bec avec les riches et célèbres.

Naomi Campbell le défait en justice en 2002 pour avoir diffusé une photo d'elle coiffée du titre: «Accro aux drogues». Il réplique en la qualifiant de «diva menteuse».

Piers Morgan se fait même battre en 2004 par le populaire animateur de Top Gear, Jeremy Clarkson, enragé par les rumeurs d'infidélité propagées par le Daily Mirror.

C'est toutefois sa propre imprudence qui provoquera sa chute. Dans la foulée du scandale de la prison d'Abou Ghraïb, il publie des images de torture impliquant de présumés soldats britanniques. Or, il s'agit d'un canular, qui menace de détruire sa carrière.

Mais Piers Morgan est aussi doué pour se faire des amis que des ennemis. Simon Cowell, «vilain juge» d'American Idol, l'embauche comme alter ego à America's Got Talent en 2006.

Piers Morgan devient ainsi le Britannique que tous les Américains aiment détester.

Même si ses premiers pas à CNN n'ont pas convaincu les critiques, le plus américain des Britanniques ne doit pas s'en inquiéter outre mesure. «Ma seule peur est d'être ignoré. Le jour où les médias américains ne parleront plus de moi, ce sera foutu», a-t-il affirmé au Guardian quelques jours avant la première de son émission.