Tou.tv souffle aujourd'hui sa première bougie. Vingt-cinq millions de branchements. Une moyenne de 2 millions de visites par mois. Quelque 85 000 amis Facebook, 12 050 abonnés sur Twitter. Voilà ce que le portail consacré aux émissions et webproductions de divertissement - dont 50 % des utilisateurs ont entre 18 et 34 ans - a enregistré entre le 26 janvier 2010 et le 31 décembre 2010. Avec la fin de l'an 1 de ce portail géré par Radio-Canada, qui a notamment permis à En audition avec Simon de se hisser au premier rang du palmarès des 10 émissions les plus visionnées au cours de l'année, la SRC doit se poser une question fondamentale: Tou.tv pourra-t-il toujours rimer avec gratuité? Probablement pas.

Chose certaine, cette performance a largement dépassé les attentes, a affirmé Geneviève Rossier, directrice générale internet et services numériques de Radio-Canada, au cours d'une entrevue accordée à La Presse la semaine dernière dans la tour du boulevard René-Lévesque. Les 12 derniers mois auront permis aux patrons de Tou.tv de connaître les goûts de l'auditoire et, du même souffle, de découvrir ce qui les faisait «cliquer». Les séries dramatiques ont recueilli en moyenne 59 % des branchements mensuels, contre 15 % pour les webémissions, qui sont, rappelons-le toutefois, beaucoup moins nombreuses. Ainsi, En audition avec Simon se classe en tête du top 10 des productions les plus visionnées pendant l'année, suivie de C.A. et de La galère. Le show humoristique de Marc Labrèche, 3600 secondes d'extase, qui quittera les ondes en mars, occupe la septième place.

Mais l'engouement provoqué par cette application ramène sur le tapis la sempiternelle question de la quasi-inexistance d'un modèle d'affaires viable dans le domaine de la webtélévision. L'offre grandissante de séries télé en rattrapage, de webémissions et même de films disponibles en ligne depuis un an pourra-t-elle toujours se faire sans que les internautes aient besoin de sortir leur carte de crédit? Le site pourra-t-il se suffire à lui-même et continuer à avoir les moyens de ses ambitions sans de nouvelles sources de revenus? «La gratuité totale, toujours, c'est un peu une illusion», admet Geneviève Rossier. Si elle juge important de préserver une certaine gratuité en raison du rôle de diffuseur public de Radio-Canada, elle admet néanmoins être à l'affût de ce qui se fait ailleurs. «On regarde beaucoup Hulu, Netflix... Il y a beaucoup de sites qui évoluent vers des modèles hybrides. Mais ce n'est pas quelque chose de simple et il faut bien réfléchir en faisant ça. Pour le moment, il n'y a rien sur la table, mais je ne ferai pas semblant qu'on ne regarde pas ça et qu'on ne suit pas ça. On n'est pas en autarcie. À un moment donné, il y a un contenu, on veut que ça soit bon, professionnel, on veut qu'il y ait des valeurs de production.»

Ainsi, la directrice générale internet et services numériques de Radio-Canada assure qu'il y aura toujours du contenu gratuit sur Tou.tv. Il se pourrait toutefois que, pour voir du «contenu premium extraordinaire» - qui nécessiterait plus de moyens financiers -, les utilisateurs soient contraints de mettre la main dans leur poche. Quand? L'équipe de Tou.tv reste plutôt évasive à ce sujet. À suivre...

Cannibaliser la télé

Et d'autres questions demeurent en suspens depuis l'avènement de Tou.tv. En plus de se demander si la plateforme nuit aux ventes de DVD des séries télévisées, il y a également lieu de se questionner sur la possibilité que le site puisse gruger les cotes d'écoute des émissions diffusées au petit écran. Pour le moment, Geneviève Rossier et Jérôme Hellio, directeur du site, trouvent difficile d'établir un lien. Chose certaine, au lieu de visionner Trauma, par exemple, le mardi soir à 21 h, certains téléspectateurs préfèrent regarder la série qui se déroule dans le milieu hospitalier en rattrapage sur Tou.tv au moment qui leur conviendra. «Ce qu'on souhaite, c'est que les produits fonctionnent, mentionne Mme Rossier. Qu'ils soient vus, qu'ils soient connus. Que ce soit via l'écran de télé, via l'écran de Tou.tv, via un DVD... Si on regarde les choses comme ça, Tou.tv aide les productions, il ne nuit pas.»

À venir

Par ailleurs, forte de cette première année, l'équipe de Tou.tv a déjà le regard tourné vers l'avenir. Des nouveautés sont donc à prévoir au menu. Dès demain, les adeptes de Skins, production britannique mettant en vedette une bande de jeunes, pourront visionner les épisodes des saisons 3 et 4. Puis, la semaine prochaine, la série québécoise à succès Aveux sera également disponible. De nouvelles webséries originales seront aussi mises en ligne au cours des prochains mois. Reste à savoir si la saison 3 d'En audition avec Simon ainsi que le tome 2 de Couple.tv feront partie du lot...