«Je les adore! C'est la meilleure publicité que j'aie jamais eue!» lance Pierre Maisonneuve, animateur à la radio de Radio-Canada.

Les personnes parodiées disent toutes cela. Elles adorent. Elles conservent précieusement toutes les caricatures qui sont faites d'eux. Elles savourent, vraiment.

Dans le cas de l'animateur de radio, impossible de ne pas le croire, d'autant plus qu'il a fait une apparition-surprise à l'émission À la semaine prochaine devant un public en délire de le voir là.

L'émission déjà culte de Radio-Canada, qui le dépeint comme un être un peu perdu au micro, toujours en train d'appuyer sur le mauvais bouton, de débaptiser ses interlocuteurs et de chercher ses notes, en a fait une vraie star. «On m'en parle même en vacances!» dit Pierre Maisonneuve.

«Si on avait ri du contenu de l'émission, ça m'aurait fait mal, mais si on ne fait que s'amuser des aléas d'une émission de deux heures diffusée en direct, sans filet et avec tribune téléphonique, ça n'a rien de méchant. Un technicien m'a déjà dit qu'il en avait assez qu'on invoque toujours "le problème technique" au premier pépin venu. Alors moi, j'assume tout. Quand quelque chose arrive, j'en ris et il m'arrive maintenant de dire en ondes: "Bon, encore du bon matériel pour À la semaine prochaine!"»

Gérald Tremblay, maire de Montréal, assure lui aussi rire de bon coeur quand on le parodie. Vraiment? Même pour ce qui est de Et Dieu créa... Laflaque, où il est dépeint - comment le dire délicatement? -, où il est caricaturé en... «en niaiseux», dit le maire Tremblay, terminant lui-même la phrase.

La politique est affaire de perceptions, et il est très utile, assure M. Tremblay, d'être confronté à l'image que l'on se fait de nous.

Eh oui, les parodies lui permettent parfois de corriger le tir, comme cela lui est arrivé après que son frère Marcel, exaspéré d'être critiqué pour les trottoirs glissants lors d'un hiver particulier rigoureux, eut suggéré aux gens de s'acheter des crampons, au besoin. Quand le maire est apparu dans les caricatures aux côtés de son coloré frère, il a vite vu qu'il fallait rapidement qu'il se dissocie de ces propos et qu'il réaffirme la grande importance accordée au déneigement par son administration.

Bien sûr, il y a des moments plus difficiles à passer, comme cet épisode des compteurs d'eau. Le maire de Montréal ne cache pas non plus que les caricatures le comparant au maire de Québec, Régis Labeaume, lui ont déplu: «Ça m'a fait plus de peine parce que Montréal et Québec, ce n'est pas comparable.»

Mais de façon générale, Gérald Tremblay estime que les émissions d'humour ne l'ont pas trop écorché, qu'elles l'ont même rendu sympathique et aidé à lui faire perdre son image «de technocrate et de personne toute cérébrale».

C'est particulièrement le cas d'Infoman, émission à laquelle il participe de son plein gré en proposant lui-même certains scénarios de sketchs. Que les Montréalais le voient sous un autre jour, notamment dans son intimité familiale, le sert très bien et il en est pleinement conscient. «Dans la vraie vie, je suis réellement un courailleux d'aubaines et les contribuables peuvent en conclure que si j'agis comme cela dans ma vie personnelle, je suis tout aussi économe avec leur argent.»

Pour sa part, Gilles Duceppe peut d'autant moins nier que sa marionnette à l'émission Et Dieu créa... Laflaque est ressemblante que sa petite-fille de 2 ans et demi lui a déjà téléphoné, un dimanche soir, pour lui dire de vite ouvrir son téléviseur, il était dedans!

Serge Chapleau, homme derrière l'émission Et Dieu créa... Laflaque, ne donne pas de nom, mais il est convaincu que ceux qui deviennent les bien involontaires vedettes de son émission font souvent des efforts manifestes pour corriger certains travers ou tics de langage. Il pense à une personne en particulier, qui n'avait de cesse de toujours finir ses phrases avec la même expression, et qui ne le fait plus.

Les personnages qu'il crée finissent par prendre vie, dit Serge Chapleau, «et pour moi, ils n'ont plus grand rapport avec la vraie personne». «Quand j'entends Philippe Laguë incarner Gilles Duceppe (aussi bien à Laflaque qu'à l'émission À la semaine prochaine), je ne suis plus capable de voir le vrai sans penser à ce que nous en avons fait», dit Serge Chapleau.

«C'est une telle loupe que la caricature devient plus grande que la réalité. Il suffit de quelques secondes à voir les grands yeux de chevreuil de la caricature qui est faite de Gérald Tremblay pour être ensuite incapable de se défaire de cette image», dit, elle aussi, Liza Frulla.

Elle-même parodiée à 3600 secondes d'extase, elle jure qu'elle n'a rien changé. «J'ai passé ma vie à me battre avec mes cheveux et à parler avec mes mains, alors la couette et les trop nombreux gestes, impossible pour moi de corriger.»

Les limites de l'humour

Philippe Laguë, concepteur-animateur de l'émission À la semaine prochaine, dit que sa règle de base, c'est d'être plus bon enfant que méchant. «Pierre Verville et moi, nous nous disons toujours qu'il ne faut pas aller plus loin que ce qui nous permettrait de nous trouver face à la personne parodiée sans en être gênés.»

De toute façon, voudraient-ils verser dans le fiel que leurs auditeurs ne les suivraient pas, croit Philippe Laguë. «Comme ils sont en studio, nous sommes très à même de constater que les auditeurs de notre émission n'aiment pas du tout que l'on se moque d'un trait physique de quelqu'un, par exemple. Dire d'Éric Lapointe qu'il est petit ou qu'un autre est laid, ça ne passe pas. Ça ne fait pas rire notre public.»

Parfois, Pierre Verville signale à son collègue qu'il vient de croiser telle ou telle personnalité parodiée. Et alors, a-t-il dit quelque chose? de s'informer Philippe Laguë. D'habitude, rien, ou rien de négatif, bien que Philippe Laguë se souvienne tout de même d'une petite nervosité palpable et réciproque lors d'une émission de Christiane Charrette à laquelle il s'est retrouvé en face de Gilles Duceppe, le vrai.

Le malaise a été bien passager, comme en témoigne ce livre qu'il a ensuite reçu du chef du Bloc québécois, dédicacé façon À la semaine prochaine. «Cher Philippe, qui c'que c'est que vous pensez qui vous fait cette dédicace! Hein? Hein? C'est Gilles Duceppe!» est-il écrit.

Comme Serge Chapleau, Philippe Laguë fait valoir que les personnages de son émission ont tôt fait de se créer eux-mêmes un chemin. «Gilles Duceppe, par exemple, ce n'est plus Gilles Duceppe, c'est devenu un personnage en soi.»

Et les préférés de Philippe Laguë? Jean Charest marche fort, très fort, et le public se déchaîne quand il est parodié. Philippe Laguë dit aussi adorer le clone de Gérald Tremblay ou son Denis Coderre qui twitte même quand il accorde une entrevue.

Et quelles personnalités devraient redouter d'être mises en vedette à son épisode spécial de fin d'année? Au moment de l'entrevue, il restait encore à déterminer qui serait coupé au montage, mais Pauline Marois, Jean Charest, Gérald Tremblay, Gilles Duceppe, Anne-Marie Losique, Claude Poirier, la commission Bastarache pour l'ensemble de l'oeuvre et, bien sûr, Pierre Maisonneuve devraient avoir leurs moments de gloire.