Les célèbres Toupie et Binou - duo québécois infernal composé d'une souris bavarde et d'un chat silencieux - risquent bientôt de faire partie du folklore. L'industrie des oeuvres d'animation destinées aux jeunes est en déclin. Au cours des 10 dernières années, le nombre de productions d'animation made in Québec a chuté dramatiquement, passant de 30 projets en 2000 à 6 pour 2008-2009.

C'est du moins ce que révèlent les résultats d'une étude dévoilée hier à l'occasion de la conférence Média-Jeunes 2010, organisée par l'Alliance pour l'enfant et la télévision (AET). Autre donnée alarmante, le nombre d'heures produites a également diminué, allant de 110 en 2004-2005 pour atteindre 23 en 2008-2009.

 

Au rythme où vont les choses, les émissions d'animation québécoises destinées aux enfants et aux adolescents pourraient bientôt être chose du passé, reconnaît la directrice générale de l'Alliance pour l'enfant et la télévision (AET), Caroline Fortier.

«On est déjà dans un déclin magistral, a-t-elle souligné, hier, à l'issue d'une table ronde portant sur l'avenir de l'animation jeunesse au Québec. Les entreprises qui continuent de produire survivent de peine et de misère à l'heure actuelle, donc elles sont vraiment menacées.»

Et comment expliquer cette chute? La réduction du financement public ainsi que la diminution du nombre de coproductions sont principalement à l'origine du problème. C'est que 80 % des oeuvres d'animation québécoises sont des coproductions, dont la plupart réalisées avec la France. Or, depuis quelques années, l'Hexagone se tourne davantage vers des partenaires du continent européen.

«C'est sûr que c'est de plus en plus difficile et que le financement, c'est le nerf de la guerre, ajoute Mme Fortier. Pour créer un produit, il faut non seulement écrire un scénario, il faut également faire des croquis et, de plus en plus, réaliser des démos d'animation comme tels. Et ça, ça demande énormément plus d'investissement qu'en live action (dramatique).»

Diffuseurs

Ainsi, même du côté des diffuseurs qui présentent plusieurs émissions jeunesse, les productions québécoises d'animation qui figurent dans la grille-horaire sont peu nombreuses. Par exemple, à Télé-Québec, qui consacre 46 % de sa programmation aux émissions pour enfants, seule la série Toupie et Binou est essentiellement québécoise. Puis, quatre autres émissions sont des coproductions entre le Québec et d'autres pays, telles que Mission monstre et Le monde secret du père Noël.

Du côté de Télétoon, depuis janvier 2010, environ une quinzaine d'émissions d'animation québécoises ont été diffusées sur la chaîne. Puis, à Radio-Canada, pour l'année 2009-2010, sur le nombre total d'heures d'émissions d'animation, 59 % étaient des productions québécoises ou canadiennes.

«Ils (les télédiffuseurs) achètent beaucoup d'animation, mais c'est plus difficile pour eux d'en produire de façon autonome, explique Caroline Fortier. Et ils ont une préférence... C'est une équation très simple. Quand ça coûte en moyenne 80 000$ pour produire un 30 minutes de (dramatique), en comparaison avec 250 000 $ pour l'animation, le calcul se fait plus rapidement.»