La télévision de Radio-Canada devra supprimer l'équivalent d'une série dramatique, de 20 heures d'émissions jeunesse et de 15 heures de documentaires pour parvenir à boucler son budget.

Conséquence d'une enveloppe budgétaire réduite accordée à la société d'État par le nouveau Fonds des médias du Canada (FMC); c'est la programmation télévisuelle originale offerte par la société d'État qui écopera.

La Société Radio-Canada (SRC) a appris la semaine dernière que son financement passera à 96,5 millions $ l'an prochain, soit 12,6 millions $ de moins que ce que qui lui était alloué par les ancêtres du FMC, le Fonds canadien de télévision et le Fonds des nouveaux médias.

Dans une note interne envoyée mardi à ses employés et qui s'est retrouvée sur son site Internet, le diffuseur public a indiqué que les effets de cette réduction budgétaire se refléteront particulièrement sur «l'offre de la programmation aux heures de grande écoute plutôt que sur le fonctionnement».

Les téléspectateurs du diffuseur public doivent conséquemment s'attendre à une programmation possiblement moins riche dans l'avenir.

«Il y a plusieurs options possibles. On peut diminuer les coûts de nos productions, mais il y a une limite à le faire. On peut passer plus de reprises», a notamment énuméré le vice-président principal des services français, Sylvain Lafrance, en entrevue.

«Il y a beaucoup de stratégies de grille (horaire) qu'on peut aller adopter. Mais l'impact le plus important dans le fond, d'un côté ou de l'autre, c'est de l'argent qui ne va plus dans le contenu canadien», s'est-il désolé.

Au total, le financement de Radio-Canada chute de 3,7 millions $, et celui de son pendant anglophone, la CBC, de 8,9 millions $.

Toutes deux bénéficiaient auparavant d'une enveloppe protégée garantissant leur financement. Le gouvernement de Stephen Harper a souhaité mettre fin à ce privilège, comme l'a rappelé le vice-président industrie et affaires publiques du FMC.

«L'une des orientations de la décision du gouvernement en mars 2009, lorsque le Fonds des médias a été créé, était d'équilibrer les règles du jeu. Ce que ça voulait dire, c'est que tous les télédiffuseurs devaient être sur un pied d'égalité au niveau de nos règles», a noté Stéphane Cardin.

«Le système des enveloppes de rendement à travers lequel nous attribuons la majorité de notre financement est un système qui est compétitif, donc basé sur la performance des télédiffuseurs», a-t-il spécifié.

Pour le porte-parole libéral en matière de Patrimoine, Pablo Rodriguez, par ses grandes orientations, le gouvernement conservateur fait tout pour s'en prendre constamment à Radio-Canada.

«On arrive avec un Fonds qui récompense surtout le potentiel de succès, alors qu'il faut encourager l'ensemble de l'écosystème qui existe au niveau de la culture», a fait valoir le député d'Honoré-Mercier.

«À force de fragiliser comme ça notre diffuseur national, on va finir par le blesser sérieusement», a-t-il conclu.

En entrevue à La Presse Canadienne, mercredi soir, le ministre du Patrimoine James Moore a fait valoir que la baisse de l'enveloppe destinée à Radio-Canada était somme toute modeste comparée au budget de fonctionnement total de la société d'État.

Il a rappelé que le budget du Fonds était de 350 millions $, soit 40 millions $ de plus que ce qui était prévu au départ, dont le tiers est réservé pour le contenu francophone.

«Il y a plus d'argent que jamais sur la table pour la création de contenu canadien», a affirmé le ministre.

L'an prochain, une disposition visant à donner une importance particulière aux émissions originales en heure de grande écoute entrera en vigueur et devrait favoriser davantage le diffuseur public. Entretemps, toutefois, Radio-Canada doit trouver le moyen d'économiser ses sous. Et selon M. Lafrance, ce sont les téléspectateurs et la culture en général qui en sortent perdants.

«À travers les dramatiques, ce qu'on reflète, c'est notre identité culturelle. Moins on se voit à la télé, moins on va s'y reconnaître (...). L'affaiblissement du contenu canadien, c'est à terme, l'affaiblissement de l'identité canadienne. Et ça, c'est très dangereux», a-t-il plaidé.

La baisse de l'enveloppe qui lui est attribuée par le FMC représente une seconde épreuve en peu de temps pour la société d'État. Au milieu du mois de mars, le Conseil de radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) s'est déclaré favorable à la négociation pour le versement de redevances de par les câblodistributeurs aux chaînes généralistes, mais a écarté Radio-Canada/CBC de cette décision.

Le Fonds des médias du Canada, issu de la fusion du Fonds canadien de télévision et du Fonds des nouveaux médias, a été créé à l'initiative du gouvernement conservateur. Devenu opérationnel le 1er avril, le FCM dispose d'un budget de 350 millions $ destiné à soutenir la télévision et les médias numériques.