La «soirée Bougon» sur M6 a tourné à la catastrophe: 5,6% de l'audience et 1,5 million de téléspectateurs. Deux fois moins qu'en octobre 2008.

Pour Les Bougon, version française sur M6, c'est la douche froide. Les deux premiers épisodes, diffusés en octobre 2008, avaient réalisé un très beau succès, avec 13% des parts d'audience, c'est-à-dire nettement au-dessus de la moyenne de cette chaîne privée, qui se situe aux environs de 11%.

Jeudi soir, M6 avait curieusement décidé de programmer à la fois deux nouveaux épisodes de 50 minutes, et la rediffusion d'un épisode d'octobre 2008, Vibro, boulot, bobo!. Près de trois heures de nos «affreux, sales et méchants» transposés dans la langue de Molière. Résultat inattendu - et proche de la catastrophe: 15 mois après son premier tour de piste, Les Bougon a perdu la moitié de son audience. Avant-hier soir, il ne restait plus, selon Médiamétrie, que 1 513 000 téléspectateurs. Et avec 5,6% d'audience au fatidique prime time de 20h30, M6 se retrouvait dans une humiliante cinquième position.

Poursuivre la diffusion?

Chez M6, hier, on ne trouvait plus personne pour commenter le désastre. Car la question se pose désormais de savoir si l'on peut et si l'on va poursuivre la diffusion des Bougon. Il reste six épisodes en banque, dont la programmation n'était pas décidée de façon précise. Désormais, la question est de savoir ce qu'on va en faire: renoncer purement et simplement à leur diffusion ou, plus vraisemblablement, les expédier dans une case marginale de la programmation, au milieu de l'après-midi ou en fin de soirée. Car plus personne ne pense que l'audience pourrait à nouveau remonter. Sur son site internet, le Nouvel Observateur, dans sa rubrique télé, a donné le ton dès hier matin sous le titre: «Les Bougon nuisent à M6». La sentence de mort.

Ce résultat est d'autant plus regrettable que cette version française des Bougon est plutôt très réussie (selon les critères de la télé). Même si les deux premiers épisodes - octobre 2008 - semblaient plus convaincants, peut-être à cause de l'effet de nouveauté. Les comédiens sont remarquables: entre autres Patrick Bonnel, dans le rôle de Paul, Cathy Bodet, dans celui de sa femme, Virginie Guillo, dans celui de Dodo la nympho, et Vincent Debost (Bébé) qui a des airs de John Belushi à ses débuts. Sam Karmann, acteur et excellent metteur en scène au cinéma de Kennedy et moi ou de La petite semaine, a pour l'instant réalisé la grande majorité des épisodes déjà mis en boîte: le résultat se situe sans conteste très au-dessus du niveau des fictions «contemporaines» de la télé française. Celle-ci excelle dans le genre historique - XIXe siècle ou début du XXe, la Résistance ou, éventuellement, la série noire des années 50 -, mais se montre rigoureusement incapable de produire en série des fictions qui parlent de l'époque actuelle. D'où la consommation effrénée de séries américaines qui défilent du matin au soir sur toutes les grandes chaînes françaises, publiques ou privées.

Éloges du Monde

À souligner, le Monde avait à deux reprises fait un éloge appuyé de cette série: «Un ton inhabituel, assez irrespectueux, mais assez décalé pour ne pas sombrer totalement dans la vulgarité, un ancrage assumé dans la réalité sociale de la France d'aujourd'hui qui permet, mine de rien, d'évoquer des sujets sensibles... une grande qualité de la production»... Peut-être, justement, aurait-il fallu se méfier d'une série télévisée portée aux nues par le Monde, mais diffusée sur M6, une chaîne qui, à une exception près (Kaamelott), diffuse en boucle des séries américaines standard. Et si Les Bougon était encore trop révolutionnaire pour les téléspectateurs français?