TQS, qui s'appellera dorénavant V, vient tout juste de se faire taper sur les doigts au sujet de Call-TV, sorte de télé-tirelire où les téléspectateurs sont invités à téléphoner pour participer à différents jeux-questionnaires. Tromperie, manque de transparence, absence d'équité: voilà ce que reproche le Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR) à la station, en référence à certains concours présentés durant l'émission.

S'il réprimande le réseau, dans une décision rendue hier, l'organisme ne lui demande toutefois pas de retirer l'émission de la grille horaire et ne lui impose aucune amende.Le CCNR - qui avait reçu quelque 185 plaintes de téléspectateurs frustrés - conclut que la chaîne a violé l'article 12 du code de déontologie de l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR). Celui-ci stipule que les concours diffusés sur les ondes d'une station «doivent se faire de façon équitable et légitime». On précise qu'ils ne doivent pas être trompeurs ni risquer de perturber le public. «Les prix offerts ou les promesses faites doivent être tels qu'ils sont représentés», indique également l'article 12.

Mais ce blâme ne concerne pas tous les jeux-questionnaires de l'émission, a tenu à préciser hier le président national du CCNR, Ronald Cohen. L'organisme a étudié des concours qui ont eu lieu les 14, 16 et 19 juin ainsi que le 12 juillet 2009. Ce sont ces jeux qui ont été l'objet du plus grand nombre de plaintes. Le CCNR souligne le caractère «douteux» et «incompréhensible» de certains concours axés sur les mathématiques, par exemple celui où les téléspectateurs devaient calculer la somme des litres affichés à l'écran. Aucun participant n'a réussi. À la toute fin, l'animatrice s'est contentée de donner la réponse sans plus d'explication.

Autre concours également condamné par l'organisme: celui où les téléspectateurs devaient trouver des prénoms masculins dont la deuxième lettre est un a. Alors que l'animatrice ne cessait de répéter qu'il fallait trouver des prénoms familiers, simples, connus, les réponses contenues dans son enveloppe étaient tout autres: Gabor, Lamar, Darko ou encore Nanno.

À la suite de son analyse, l'organisme demande à la station d'annoncer en ondes le blâme dont elle a été l'objet et de faire part à son auditoire des conclusions du CCNR. Le télédiffuseur devra le faire une fois pendant la diffusion de Call-TV et doit répéter le même exercice à une autre occasion durant les heures de grande écoute. La nouvelle station V doit également confirmer par écrit aux plaignants qui avaient communiqué avec le CCNR qu'elle s'est pliée aux demandes du Conseil.

Réactions

Questionné hier lors du lancement de V à propos du verdict du Conseil, le copropriétaire de la chaîne, Maxime Rémillard, s'est refusé à tout commentaire. «Ici, c'est notre soirée, c'est notre lancement», a-t-il répondu lorsque La Presse est revenue à la charge. Le directeur du marketing, David Crête, a mentionné pour sa part que la station étudiait présentement la décision du CCNR.

Interrogé au sujet de Call-TV, le directeur général de la programmation de TQS, Robert Montour, a indiqué que la station lirait en ondes «un texte bidon» pour se conformer à l'avis du CCNR. Il a ajouté: «Call-TV, c'est juste une bonne infopub.» A-t-il apprécié la qualité du produit en ondes? «C'est comme si tu me demandais si j'aimais ça regarder madame Minou», a répondu M. Montour.

Le réseau n'a pas encore décidé si Call-TV, diffusée du dimanche au vendredi à partir de 23 h, reviendrait à l'antenne cet automne.

Par ailleurs, pour plusieurs participants qui se sont sentis floués, la décision du CCNR ne règle rien puisqu'ils sont quand même tenus de payer les factures téléphoniques qu'entraîne leur participation à l'émission. Pour chaque appel ou message texte envoyé, les téléspectateurs doivent débourser 1 $.

Plusieurs se plaignent d'avoir été facturés alors que la ligne était occupée. Or, le CCNR rappelle qu'il «n'a ni la juridiction ni la capacité d'enquêter» sur cet aspect. «Le Conseil devrait forcer la station à rembourser les gens qui ont été floués, a dit Thérèse Scott, une participante de Laval, que La Presse a jointe par téléphone. Ils devraient arrêter l'émission. Je trouve ça aberrant.»

Du côté de l'Office de la protection du consommateur, le porte-parole Jean-Jacques Préaux a mentionné que, pour le moment, l'organisme ne pouvait venir en aide aux participants qui s'estiment trompés.

En dernier recours, les téléspectateurs peuvent-ils se tourner vers la justice en intentant par exemple un recours collectif? Me François Lebeau, avocat spécialiste en recours collectif et droit de la consommation, estime qu'il n'est pas évident de faire la preuve que la ligne était bel et bien occupée lorsque les gens tentaient d'appeler et qu'ils ont ensuite été facturés. «C'est un problème assez inusité», a-t-il dit.

Avec la collaboration d'Hugo Dumas