Quelque 300 employés du service de l'information de Radio-Canada se sont entassés hier après-midi dans une salle de conférence, au rez-de-chaussée de la grande tour du boulevard René-Lévesque. Leur patron les avait convoqués pour leur annoncer officiellement les détails des coupes à venir.

Le visage long, journalistes, réalisateurs, affectateurs et employés de l'administration écoutaient défiler les chiffres. Quatorze postes à la radio, 18 à la Première Chaîne, 37 à RDI... Du côté francophone, l'équivalent de 84 postes disparaîtront d'ici le début de l'été.

 

Alain Saulnier, directeur de l'information, tentait de rassurer ses auditeurs. «Notre premier principe est de protéger le plus possible la marque de la salle d'information», a-t-il dit. Dans le vestibule de la salle de conférence, où les derniers arrivés se massaient, un journaliste radio a poussé un grand soupir.

Bien qu'appréhendée depuis janvier, l'annonce des coupes de postes a créé une onde de choc hier dans la grande tour. «Tout le monde est un peu secoué», a résumé Alain Gravel, journaliste et animateur de l'émission Enquête.

On s'inquiète tout particulièrement pour les jeunes surnuméraires, qui seront probablement les premiers touchés par les licenciements à venir. Au total, 56 employés de l'information se qualifient pour le programme de mise à la retraite volontaire, mais théoriquement, seulement 25% d'entre eux devraient accepter l'offre, selon Alain Saulnier.

«On a une relève extraordinaire, des journalistes solides et compétents. Et en ce moment, c'est à eux que je pense», a poursuivi Alain Gravel, qui craint aussi un impact sur la qualité de l'information. «Avec moins de monde, moins de moyens... on ne peut pas faire des miracles», ajoute-t-il.

Le journaliste télé Jean-Philippe Cipriani et son collègue de la radio, Dominic Brassard, ne cachaient pas leur inquiétude à la sortie de la rencontre. «Est-ce qu'on va travailler moins? Plus du tout? C'est inquiétant, d'autant plus que le milieu du journalisme va mal économiquement», a dit Dominic Brassard, 25 ans. «Même si on s'y attendait, l'ampleur des coupes surprend», a ajouté Jean-Philippe Cipriani, 29 ans.

Lorène Biscotti, coordonnatrice du Téléjournal, préférait attendre à la mi-mai avant de s'en faire. Le nombre d'employés ayant accepté le programme de mise à la retraite sera alors connu. «On ne va pas sauter de joie, mais ce sera peut-être moins pire qu'on peut le croire», a-t-elle dit.

Akli Aït Abdallah, journaliste radio, s'est pour sa part désolé que Radio-Canada doive en arriver là. «Je regrette qu'en tant que société, on n'arrive pas à concevoir l'importance d'un média comme Radio-Canada. Son importance pour l'éducation, pour la démocratie. C'est toute la société qui en bénéficie.»