Radio-Canada n'a rien fait pour faire taire les rumeurs de mises à pied, alimentées par des déclarations du ministre du Patrimoine James Moores, à l'issue de la réunion annuelle de son conseil d'administration, hier à Toronto.

«Nous ne commenterons pas le contenu de la réunion, a indiqué Marco Dubé, porte-parole de Radio-Canada/CBC. Le président doit rencontrer la haute direction dans les prochains jours. Nous communiquerons ensuite avec nos employés avant de parler aux médias, comme nous le faisons d'habitude.»Lundi, James Moore, ministre du Patrimoine, a évoqué des coupes pratiquement inévitables de 600 à 1200 emplois. Un chiffre que M. Moore a qualifié hier de «public», même s'il a été incapable de nous en expliquer la provenance en entrevue. Son attaché de presse nous a renvoyés à un article du Toronto Star, où une source anonyme parle de possibles coupes de 600 à 700 postes.

Quoi qu'il en soit, M. Moore a clairement fait savoir hier qu'il refusait d'accorder une marge de crédit à la société d'État, même si une telle mesure pouvait permettre de sauvegarder certains emplois. «Radio-Canada/CBC reçoit déjà plus d'argent qu'elle n'en a jamais eu», a-t-il expliqué en entretien téléphonique hier avec La Presse. Vérification faite, en dollars constants, elle recevait près de 400 millions de plus en 1990, et 24 millions de plus en 2002. La société d'État prévoit subir des pertes d'environ 125 millions en 2009-2010.

À la fin février, le PDG de Radio-Canada, Hubert T. Lacroix, a annoncé que le conseil devrait examiner «toutes les options»: augmenter le contenu américain télévisé ou la publicité, réduire la couverture géographique de certains services, vendre des actifs ou faire des mises à pied. M. Lacroix affirmait néanmoins que son «désir le plus sincère» était de protéger ses employés.

Le message du ministre

M. Moore souhaitait rencontrer les membres du conseil lundi matin, avant le début de la réunion. Radio-Canada/CBC a annulé la rencontre vendredi dernier afin d'éviter toute apparence de conflits d'intérêts.

Qu'aurait-il voulu dire au conseil? «Que CBC/Radio-Canada a une responsabilité envers les Canadiens: d'être une plateforme pancanadienne dans les deux langues officielles, pour le contenu canadien. J'ai déjà dit à quelques reprises qu'une majorité de Canadiens n'aime pas... en fait, qu'ils veulent voir de la programmation canadienne.»

M. Moore ajoute qu'il s'oppose à l'augmentation du contenu américain à la télévision et à l'apparition de publicité à la radio. «Je pense que plusieurs Canadiens ont la perception que Radio-Canada, un télédiffuseur financé par les contribuables, devient un compétiteur des télédiffuseurs privés. À mon avis, la responsabilité de Radio-Canada - et ses dirigeants le savent - c'est d'être un diffuseur public de contenu canadien, avec aussi du contenu pour les autochtones. Pas d'être un diffuseur comme les autres avec du contenu américain», indique-t-il.

Quant à la vente d'actifs - qui devrait d'abord être approuvée par le gouvernement -, M. Moore se montre ouvert. «Ce sont des points que le conseil débat en privé, répond-il. Mais il va falloir faire des choix, c'est clair. Quand on regarde CanWest ou CTVGlobemedia, les choix qu'ils doivent faire sont difficiles. Les temps sont difficiles pour tous, y compris pour Radio-Canada. J'espère qu'ils feront des choix efficaces, pour leur budget et aussi pour les besoins de leur mandat et leur contrat social avec les Canadiens.»

Pas d'aide financière

Rappelons que M. Lacroix, ne demandait pas une hausse de ses crédits parlementaires. Il souhaitait obtenir une marge de crédit et un financement planifié sur sept ans (plutôt que révisé chaque année) afin de mieux prévoir ses activités. M. Moore a encore une fois fermé la porte à ces deux demandes hier.

«On a dit non et ça continue d'être notre position. (...) On est confiant que Radio-Canada peut livrer la marchandise pour les contribuables, selon son mandat.»

Il assure toutefois que le financement ne diminuera pas. «Notre promesse de campagne va être respectée, de maintenir les investissements dans Radio-Canada ou de les augmenter», répète-t-il.