Les perruques sont volumineuses, le maquillage outrancier et les traits amplifiés. Sous la poudre, les comédiens s'en donnent à coeur joie en prenant pour cible les politiciens israéliens en campagne. Ici, sur ce plateau de télévision, la satire est au rendez-vous.

«On essaye de souligner le pire de chacune des personnalités, et ce n'est pas si difficile», plaisante Eyal Kitzis, le présentateur, imperturbable lorsque «ses invités» se lancent dans de longs monologues abscons.

Et dans un pays où l'opinion publique est lasse de ses politiques, ces derniers sont plus qu'heureux d'être brocardés dans cette émission politique satirique, la plus populaire en Israël.

Eretz Nehederet - Un pays merveilleux en hébreu - diffusé le mardi soir sur la seconde chaîne (privée) a commencé sa sixième saison à la mi-décembre, peu de temps avant le début de la guerre à Gaza. Depuis, son taux d'audience en fait l'un des programmes hebdomadaires les plus courus.

Au point que les politiciens aspirent à y être caricaturés. Et le résultat est le plus souvent peu flatteur.

Le chef de l'opposition de droite Benjamin Netanyahu, donné gagnant par les sondages, y apparaît comme un menteur pathologique, cherchant désespérément à gagner les faveurs de l'électorat.

Au «pays merveilleux», la ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, chef du Kadima, est dépeinte comme un personnage terne courant après les paillettes, telle la gagnante d'un grand jeu télévisé.

Quant au ministre de la défense, Ehud Barak, ancien chef d'état-major et soldat le plus décoré du pays, l'émission, qui avait fait de lui «un faible» avant l'offensive à Gaza, lui a donné l'occasion de monter en grade.

Invité sur le plateau, Barak, dont le parti travailliste risque selon les sondages de subir sa plus grave défaite électorale, s'est ainsi retrouvé sur l'avant-scène médiatique.

Au milieu d'une famille de comédiens qui lui annonçaient leur intention de voter Netanyahu, Barak a tenté de les convaincre de bien voter. Jouant sur le registre de l'autodérision, il a donné alors une date du scrutin erronée.

«Mieux vaut être mis en pièces dans Eretz Nehederet que d'être ignoré», observe le porte-parole de Barak, Ronen Moshé.

Netanyahu et Livni envisageraient eux aussi de faire une apparition sur le plateau, selon les producteurs de l'émission, qui soulignent la nécessité de traiter tous les candidats sur un pied d'égalité.

«Les scénaristes peignent tous les courants idéologiques et nous mettons tout le monde sur le grill», précise la chef de production Dana Dayan.

Rien ni personne n'arrête les producteurs et les acteurs de l'équipe dont la verve satirique ne connait pas de limites.

Alors que la campagne électorale a été suspendue pendant les 22 jours de guerre dans la bande de Gaza, le programme a continué ses parodies parfois très sévères.

Au cours de l'une des émissions, le chef d'état-major, le général Gabi Ashkenazi s'est notamment vu décerner, à l'instar des stars de cinéma, une récompense sous la forme d'un Golden Globe mais rebaptisée pour l'occasion Phosphorous Globe en référence à l'usage par l'armée israélienne de bombes au phosphore durant l'offensive à Gaza.

«Nous faisons une émission consacrées aux élections, mais en réalité, ce scrutin n'intéresse personne. Alors nous utilisons le plateau pour nous amuser», résume Kitzis dans sa loge.