Sur les blogues de mes collègues Patrick Lagacé et Richard Therrien, les téléspectateurs étaient déchaînés. On a rarement vu un Bye Bye faire autant l'unanimité contre lui, et de façon aussi agressive. «Vulgaire», «raciste», «honteux», pouvait-on lire le plus souvent. Ça allait au-delà de la simple déception face à des attentes trop élevées après RBO. Il y a manifestement un deuxième degré que beaucoup de gens n'ont pas compris dans ce Bye Bye. Trop de gens pour que les scripteurs ne se questionnent pas sur la qualité de leurs textes.

Le début, pourtant, semblait prometteur. Introduction à la C.A., avec Louis Morissette et Julie Couillard (portant sa célèbre robe qui fera l'objet d'enchères), puis on se retrouvait en direct du Studio 42, pour une ouverture animée, voire presque trop gratinée, en chansons et en danse. C'est correct, c'est le jour de l'An, on se donne la main et on s'embrasse... C'est après que ça s'est gâté.

Après un sketch plutôt drôle sur Patrick Roy et son fils, non pas une, mais deux blagues sur les frasques médiatiques de Nathalie Simard en République dominicaine. Une erreur de jugement incompréhensible de la part du clan Cloutier-Morissette. De l'inconscience même, comme si ces deux-là ne comprenaient pas à quel point ils sont malgré eux liés à cette triste histoire dans la tête du public. On se souvient avec quelle maîtrise Véro était passée à travers cette énorme tempête qui concernait son père; environ une minute de ce Bye Bye a fait fondre un capital de sympathie durement acquis. D'autant plus que les blagues sur Nathalie n'étaient même pas drôles et que 2008 regorgeait de sujets bien plus intéressants à exploiter. Véro et son chum sont allés rejoindre, en cette fin d'année, Stéphane Dion dans l'art de se tirer dans le pied.

Blagues douteuses

L'autre aspect de ce Bye Bye qui a beaucoup dérangé: les blagues à connotation raciste, notamment dans la parodie de Denis Lévesque, dont on a pratiquement fait un Jeff Fillion. Ce n'est pas tout le monde qui a le génie d'Yvon Deschamps dans son monologue Nigger Black. Même si on comprend que le but était de démontrer le ridicule du racisme (on l'espère, en tout cas!), la méthode était carrément maladroite, et répétée en plus. Sachant pourtant à quel point les gens ont été passionnés par l'élection d'Obama et marqués par les émeutes à Montréal-Nord, ça ne volait pas haut. On ne parle même pas des insultes grossières faites aux anglos... Jean-François Mercier, le «gros cave», dont l'humour heavy ne sied pas à tous, était aussi très mal servi par la formule «familiale» du Bye Bye. On n'a pas envie de se faire engueuler de la sorte à la veille du jour de l'An, entouré de papa, maman et des enfants.

Quelques rares bonnes idées (les frères Rémillard, René-Charles caché par ses cheveux) n'ont pas réussi à dissiper le malaise.

Le Bye Bye s'est voulu audacieux, il n'aura été qu'épais, et particulièrement déséquilibré. L'humour méchant ou vulgaire des sketches nuisant à l'ambiance bon enfant en studio et vice versa. Après avoir été refroidis par certaines blagues douteuses, on ne ressentait absolument rien quand est arrivé le décompte nous offrant de nombreux messages d'espoir de la part de diverses personnalités, avec des numéros du cirque Éloize mal filmés et la performance vocale d'une Annie Villeneuve qui semblait se demander ce qu'elle faisait là. Tout comme Pierre Lapointe plus tard.

Vraiment, ce ratage est étrange, compte tenu de la qualité des invités, du talent d'animatrice et d'imitatrice de Véronique Cloutier (elle imite parfaitement Céline Dion!), des nombreux sujets explosifs de 2008, des excellents maquillages...

On en ressort avec l'impression d'un party de famille gâché par les jokes plates d'un oncle trop saoul pour comprendre ce qu'il dit. C'est bien ça le pire: les plus jeunes représentants des émissions de fin d'année nous ont donné l'humour le plus daté, du calibre des tavernes des années 60, cette sorte d'humour «exutoire et libérateur», plus embarrassant qu'audacieux, même pas digne d'un Gérard «Nono» Deslauriers ou d'un Roméo Pérusse, et récupéré ici par les bonzes et les bonzesses de l'industrie de la bonne humeur et de la franche camaraderie... On en est vraiment juste là, encore ? Même après la commission Bouchard-Taylor?