Après Ennemi publicMommy et Jean dit, Olivier Choinière bouscule encore les limites de son art avec Manifeste de la Jeune-Fille. Sa déroutante pièce, avec cinq nouveaux acteurs, sort de Montréal cet automne. Elle est présentée au Périscope à Québec, du 9 au 20 octobre, avant de partir en tournée dans la province. L'auteur et metteur en scène s'est prêté au jeu de notre questionnaire sur l'actualité culturelle.

La critique de la critique

Pour

Ce n'est pas tant le métier de critique que j'ai envie de critiquer, mais le système médiatique qui empêche l'esprit de critique. Dans les médias, il y a de moins en moins d'espace et d'intérêt pour la critique artistique. Tout est publicité, promotion. Tout devient un argument de vente, un objet de consommation. On ne fait plus de distinction entre une paire de chaussures et un livre; un parfum ou un film. Tout est consommable: l'art, l'information, la politique. Nous-mêmes - les artistes -, on mousse nos «produits» culturels, on les met en marché. Désormais, le milieu considère le critique comme un élément de promotion.

Sortir le spectateur de sa zone de confort

Pour

J'aime faire appel à l'intelligence du spectateur, le prendre à partie durant la représentation. Pour moi, le spectateur est une composante de la pièce, au même titre que les personnages, les acteurs, le décor... Le public n'est pas une masse infirme et passive. Sans lui, le spectacle est impossible. J'aime que le spectateur soit obligé de faire des choix sur le sens de l'oeuvre. Pour se faire sa propre idée, sans avoir besoin d'être en accord avec la proposition du créateur.

Un mandat d'une durée fixe pour les directions artistiques des institutions

Pour

Absolument pour! Il faut trouver une durée de mandat qui permet à la fois de développer sa vision artistique et d'assurer une relève. Occuper un poste de directeur 25 ou 30 ans, c'est plus du domaine du privé que du public. Par exemple, au Théâtre du Nouveau Monde, Lorraine Pintal affirme qu'elle reste en poste [depuis 1992] pour assurer la survie économique du TNM. Je peux comprendre, humainement, qu'elle soit attachée à ce lieu et qu'elle s'est battue pour son avenir. Mais en même temps, personne n'est indispensable. Le théâtre est lié à l'actualité de la Cité. C'est important de ne pas creuser le même créneau; de faire circuler les idées et les interprétations d'un mandat.

Le multiculturalisme au Canada

Contre

Le multiculturalisme au pays tend à garder chaque communauté dans son silo, en les mettant chacune dans sa cour, sans les faire participer à la vie en société, à part d'aller au centre commercial le samedi après-midi. Le multiculturalisme à la canadian favorise la création de ghettos. Le seul liant entre les différentes communautés culturelles au pays, c'est le travail, l'argent, la consommation. On ne leur offre pas de participer à un projet de société. Pour avoir travaillé avec des immigrants avec [la pièce] Polyglotte, je constate qu'il est difficile de se rencontrer et d'entrer en contact avec les autres cultures.

Les quotas en immigration au Québec

Contre

Pour moi, la question des quotas est complètement absurde, débile. Bien avant d'en débattre, il faut se demander de quelle manière notre société accueille les étrangers. Est-ce qu'on les voit uniquement comme des bras et des cerveaux (souvent des bras) pour renforcer le marché du travail ? C'est complètement idiot! Le calcul «immigration = main-d'oeuvre à bon marché» est un échec. Il empêche l'intégration des immigrants dans la société. Quotas ou pas, il y a une faillite culturelle qui nous fait passer à côté de la richesse des immigrants.