À l'instar de bien des comédiens passionnés par leur métier, Gabriel Gascon aurait voulu mourir sur scène.

Hélas, l'acteur est mort dans un tout autre décor, à l'hôpital, le 30 mai dernier, à 91 ans. La maladie et la surdité subites l'avaient forcé à abandonner la vie d'acteur en 2006. Et plonger dans un grand vide, plus perfide et cruel que la vieillesse : la mort du rêve.

Mais, parfois, le théâtre a le dernier mot. Comme hier après-midi, alors que la famille et les camarades de l'acteur ont pris d'assaut la grande scène du Théâtre du Nouveau Monde. Et, durant cet hommage émouvant, le charme sublime de Gabriel Gascon a opéré encore une fois.

Parce que le TNM, c'est, bien sûr, la maison de Molière et des classiques du répertoire, mais c'est aussi l'autre maison de la famille Gascon. La compagnie a été cofondée par son frère, Jean Gascon, en 1951. Parmi les 13 frères et soeurs du regretté acteur, plusieurs ont travaillé ou laissé une quelconque marque au sein du TNM. D'ailleurs, c'est Annie Gascon, nièce de Gabriel et directrice des communications du TNM, qui a animé la cérémonie des adieux, hier. 

«Mon oncle Gaby représentera pour toujours la passion et le rêve du théâtre. C'est grâce à lui que j'ai fait le choix de faire ce métier et que je travaille aujourd'hui au TNM.»

Annie Gascon se souvient de son oncle qui habitait derrière chez elle, enfant, à Outremont. «Je lui faisais répéter son rôle d'Alexis [Labranche] dans Les Belles Histoires des pays d'en haut », dit-elle en évoquant ce téléroman qui a rendu son oncle archipopulaire au Québec, dans les années 60. «Il ne voulait jamais me dire comment cela allait finir (rires).»

Soif de liberté

Tour à tour, tels des gardiens de la mémoire théâtrale, les Alice Ronfard, Monique Miller, Denis Marleau et Lorraine Pintal sont aussi venus parler de la vie et de la carrière de Gabriel Gascon, cet acteur qui a carburé, toute sa vie, à deux impérissables choses : le désir et la liberté.

«Gabriel était un grand séducteur, au charme indéniable», a dit Mme Pintal. Or, le comédien a aussi laissé un peu de son charisme et de sa superbe en héritage à ses fils venus témoigner au TNM.

Reste que c'est Alice Ronfard qui lui a rendu l'hommage le plus théâtral. Après avoir évoqué ses souvenirs d'enfance (son père, Jean-Pierre Ronfard, était ami des Gascon), la metteure en scène a cité Shakespeare, le monologue de Prospero à la fin La Tempête: «Maintenant tous mes charmes sont détruits ; Je n'ai plus d'autre force que la mienne.»

Et soudainement, le brouillard de la mort a levé son voile pour exposer l'étoffe des rêves. Celui des hommes et des femmes qui, comme Gabriel Gascon, sont épris d'amour et de liberté.