Le comédien Gabriel Gascon, connu pour son rôle d'Alexis dans Les belles histoires des Pays d'En-Haut de Claude-Henri Grignon, est décédé à l'âge de 91 ans.

Né le 8 janvier 1927, il était un des douze enfants de Charles-Auguste Gascon et de Marie-Rose Dubuc. Il naquit au coin des rues Cartier et Ontario. Le père excellait dans les affaires et il était, entre autres, le propriétaire d'une marque de liqueur douce bien connue à l'époque, l'étiquette Christin. Un paternel d'allégeance unioniste, très pratiquant.

Chaque dimanche toute la famille devait se rendre à la messe. C'est d'ailleurs à l'église que le jeune Gabriel s'émerveillera pour le chant et les rituels religieux. Même dans son grand âge, il fredonnait encore des cantiques qui n'avaient pas quitté son esprit. On se plait à imaginer que c'est le cérémonial liturgique qui inculquera les premiers ferments de son futur goût pour la scène.

Dans ses moments moins occupés, le père donnait libre cours à sa passion pour le cinéma. Armé d'une petite caméra, il aimait filmer sa marmaille. La famille possède d'ailleurs des documents uniques où l'on peut voir toute la smala des Gascon faire la fête les jours de congé. Non seulement aimait-il manier la caméra, mais Charles-Auguste, qui était aussi musicien, dirigeait une petite harmonie qui se produisait ça et là.

Un milieu propice aux arts

Parce que le père était amoureux des arts, il ne mettra aucun frein à ce que le frère aîné de Gabriel, Jean, n'entreprenne pas la carrière de médecin qui l'attendait au sortir des études, afin qu'il puisse faire du théâtre. C'est le même Jean Gascon qui fondera plus tard le Théâtre du Nouveau monde en compagnie de Jean-Louis Roux. Jean était déjà avec la troupe des Compagnons de Saint-Laurent du père Émile Legault. Et c'est ainsi que Gabriel joindra la formation.

Ce dernier, en raison de la maladie qui l'affligea assez jeune, ne fera rien comme tout le monde. Curieux comme pas un «je mettais mon nez partout et je mentais comme je respirais» disait-il rétrospectivement, en pensant à cette jeunesse heureuse. Mais tout comme Jean, il étouffe au Québec où la culture sous Maurice Duplessis était loin d'être une priorité.

Il ira donc en France à deux reprises, la seconde fois il séjournera plus de deux décennies où il entreprendra une carrière marquée au coin de la rigueur. C'est en France qu'il retrouvera les Jean-Pierre Ronfard et Andrée Lachapelle.

La comédienne le considérait déjà comme un artiste hors-pair. Car comme l'a déclaré le metteur en scène Denis Marleau, rien chez lui n'était laissé à l'improvisation. Il pouvait se lever la nuit pour étudier un geste à faire. De sorte que sur scène, on savait que s'il levait la main de telle façon, c'est que cela avait une signification.

Alexis dans Les belles histoires

Entre deux séjours parisiens, Gabriel Gascon aura le loisir d'être de la toute première pièce jouée au Théâtre du Nouveau Monde, L'avare de Molière où Jean Gascon tenait le rôle titre. Mais le grand public le connaîtra surtout comme le bel Alexis des Belles histoires des Pays d'En-Haut de Claude-Henri Grignon.

«Je n'aimais pas trop la télévision, dira-t-il. Pour moi, être comédien, c'était avant tout le théâtre. Pour ce qui est des Belles Histoires, même Radio-Canada n'y croyait pas trop. On parlait d'une année de diffusion. Finalement j'y serai durant neuf ans.»

Servi par un physique avantageux et une belle voix aux accents graves, il fera pâmer les auditoires. Sentant qu'il avait fait le tour, il quittera la production, remplacé par Guy Provost. C'est en France qu'il allait faire l'essentiel de sa carrière.

Le retour

Discret sur sa vie privée, on sait qu'il a eu sept enfants de trois femmes différentes. C'est pourquoi le documentaire La passion selon Gabriel de sa nièce Sylvie Groulx fit figure d'événement lors des célébrations entourant le 60e anniversaire de fondation du TNM. C'était une rare fois où il se laissait s'épancher sur les sentiments qui l'ont habité tout au long de sa carrière.

«J'ai été privilégié puisque à l'abri du besoin, j'ai pu faire mes choix», confia-t-il à l'auteur de ses lignes il y a quelques années. De retour au Québec, on le vit dans le téléroman Les Moineau et les Pinson à l'antenne de TVA où il jouait le grand bourgeois comme époux de Gisèle Dufour. Une rare incursion du côté de la télévision privée.

Pour le reste, il se consacrera beaucoup au théâtre contemporain. Et beaucoup d'observateurs remarqueront qu'il abordait les textes comme une partition. Sans doute son goût pour la musique. L'intonation à trouver, le geste précis, l'attention au partenaire tout était là.

C'était un comédien impressionnant qui en imposait naturellement, tout en étant un camarade de travail affable. Beaucoup dans la colonie théâtrale vivent en ce moment l'annonce de son décès comme un grand vide.