Le pouvoir qui contraint et fait peur, mais aussi qui libère et ouvre les possibilités. C'est sous cette thématique porteuse que se déploie la prochaine saison du Quat'Sous, qui a été lancée officiellement hier. Survol des différentes pièces qui seront présentées dès l'automne prochain, avec le directeur artistique Olivier Kemeid.

Marc Beaupré et Catherine Vidal, pour Chapitres de la chute - La saga des Lehman Brothers

Depuis son arrivée à titre de directeur artistique, Olivier Kemeid désire programmer cette pièce de l'auteur italien Stefano Massini, qui sera mise en scène par un duo composé de Catherine Vidal et de Marc Beaupré. «C'est un grand coup de coeur, mais aussi un grand choc, un récit épique aux accents shakespeariens qui emprunte à la comédie, au drame, à la poésie...» Cette «épopée moderne» autour du pouvoir économique s'attarde à la naissance du capitalisme en suivant l'histoire des frères Lehman, de leur arrivée en Amérique au milieu du XIXe siècle jusqu'à l'effondrement de la banque qui porte leur nom, en 2008. «C'est une saga familiale et le XXe siècle qui se déploient sous nos yeux, c'est fascinant de se plonger dans le réel pouvoir et d'essayer de comprendre si tout cela était programmé depuis le début.»

Patrice Dubois, pour Première neige/First Snow

Voilà plusieurs années que le Théâtre PÀP, compagnie résidente au Quat'Sous dirigée par Patrice Dubois, le National Theatre of Scotland et les productions Hôtel-Motel travaillent en collaboration pour ce projet. Après des résidences croisées à Édimbourg et à Montréal, la pièce bilingue prendra l'affiche en février 2019. «Les ressemblances entre le Québec et l'Écosse sont tellement nombreuses: le rapport à Londres, à la langue, les mouvements indépendantistes, jusqu'à une forme de relation au climat et au territoire...», évoque M. Kemeid. Autant d'éléments permettant «d'ausculter la notion de souveraineté», au-delà du politique, en s'intéressant à la souveraineté personnelle, à la liberté et à l'autonomie.

Jérémie Niel et Evelyne de la Chenelière, pour Noir

Artiste associé au Quat'Sous, Jérémie Niel travaille à nouveau en tandem avec Evelyne de la Chenelière (il avait adapté son roman au théâtre) dans cette pièce qui s'annonce à la fois sombre et tissée d'humour noir, et qui s'intéresse au pouvoir de la peur. Il lui a donné la tâche de diriger pour Noir une écriture à plusieurs mains d'un collectif d'artistes, dont Christian Bégin. « Ce sont des scénarios teintés de cinéma, d'humour, et qui examinent les mécanismes du polar. Qu'est-ce qui crée la peur ? Pourquoi est-on stimulé par la peur ? » Autant de questions que posera Niel avec son esthétique particulière faisant cohabiter jeu hyperréaliste, plateaux sombres et sons étouffés.

Marie-Ève Milot, pour Barbelés

Après avoir reçu un accueil chaleureux à Paris, cette coproduction de La Colline (dirigée par Wadji Mouawad) et du Quat'Sous arrive à Montréal. Portée par Marie-Ève Milot dans un «monologue coup de poing», cette deuxième création d'Annick Lefebvre a un point de départ aux accents fantastiques: des barbelés germent en chacun de nous et se développent jusqu'à venir griffer la bouche. Le pouvoir de la parole et le prix à payer pour l'exercer - la protagoniste n'ayant que le temps de la représentation avant de la perdre à jamais - sont au centre du propos. «Annick n'a fait aucune concession à sa langue d'auteur. On l'annonçait comme un ‟spectacle en québécois sans sous-titres" et on a eu une compréhension totale, une réception très forte», souligne M. Kemeid.

Rose-Maïté Erkoreka, pour Souveraines

Comment se conjugue le pouvoir au féminin? Devient-il inévitablement masculin? C'est à ces questions que s'attaque la comédienne Rose-Maïté Erkoreka, qui signe ici son premier texte à titre d'auteure pour la Banquette arrière, une troupe que M. Kemeid suit depuis longtemps. On y suit une troupe de théâtre qui veut monter une pièce et qui est plongée au coeur d'un débat sur le rôle des femmes. De là seront présentés différents tableaux historiques et extraits vidéo consacrés à des femmes de pouvoir, de la reine Victoria à Pauline Marois. «Je n'ai pas attendu #metoo pour la programmer, mais le contexte nous rattrape, affirme M. Kemeid. Il y a toute une nouvelle génération de femmes auteures et metteures en scène. Je suis leur travail avec attention et avec la volonté de refléter ma cité.»

Evelyne de la Chenelière et James Hyndman, pour Scènes de la vie conjugale

La plus petite cellule de pouvoir est certainement le couple. De là naissent des jeux de domination entrelacés d'amour et de tendresse. Quoi de plus probant pour l'illustrer que Scènes de la vie conjugale de Bergman, ici adapté au théâtre et mis en scène par James Hyndman. C'est après une lecture de Hyndman, en duo avec Evelyne de la Chenelière dans le cadre des Rendez-vous littéraires du théâtre au Quat'Sous, que le projet s'est imposé. «James avait lu un montage d'extraits et ça a été un moment de grâce! Le spectacle est né là. C'est une oeuvre qu'il connaît intimement.» Les deux acteurs sont les protagonistes de cette adaptation, réalisée à partir des scénarios de la série télé originelle - car oui, le film est d'abord né à la télévision suédoise en 1973.