Chez Duceppe, la saison se termine en grand avec Hugo Bélanger à la barre d'un spectacle drôle, touchant, magique.

Les spectateurs qui commentent une pièce en direct sont rarement appréciés par leurs voisins de siège. Hier, chez Duceppe, une dame n'a pu s'empêcher de lancer: «Il est tellement bon, ce metteur en scène.» Forte était l'envie de se retourner et d'ajouter: «Oui, madame, et encore davantage ce soir.»

Hugo Bélanger (Le tour du monde en 80 jours) nous a habitués à des mises en scène spectaculaires, non pas en raison d'un dispendieux déploiement, mais en multipliant les trucs et attrapes qui nous plongent dans le merveilleux.

Avec Le bizarre incident du chien pendant la nuit, il nous refait le coup d'un univers magnifié et magique. Cette lucarne vers les étoiles est celle d'un ado de 15 ans, probablement autiste, dont l'imaginaire sait autant capter l'infiniment petit que l'infiniment grand.

Un soir, Christopher trouve le chien de sa voisine gisant par terre avec une fourche plantée dans le flanc. Il se met en quête de découvrir le responsable de cette atrocité. Freiné par un père inquiet, mais aidé par son enseignante, il découvrira bien plus qu'un meurtrier en tombant dans le trou noir du monde adulte.

Sébastien René exceptionnel

Le plancher et le mur de fond de scène sont noirs. Ce canevas représente le cerveau arborescent du jeune homme, véritable génie des mathématiques, tout en étant d'une totale immaturité émotive. De Swindon à Londres, il vivra des aventures qui lui permettront de tester ses propres limites tout en frappant à la porte du rêve.

Dans pratiquement toutes les scènes, Sébastien René réussit une performance exceptionnelle dans ce rôle exigeant. Son Christopher affiche une grande fragilité et une intelligence prodigieuse.

Ça n'arrête jamais de tourner dans ce ciboulot survolté, ce qui donne lieu à plusieurs moments amusants. Lors de scènes plus dramatiques, la sensibilité de l'ado se frotte à celle de son père (excellent Normand D'Amour, quoique moins en voix que d'habitude lors de la première médiatique) : gardez vos mouchoirs dans vos mains.

À partir de là, tout est affaire de dosage. Maîtrisant l'apprêt de ses plats depuis longtemps avec des assistants chevronnés, le chef Bélanger nous livre un de ses gâteaux les plus réussis. Nutritif sans être trop sucré, dépouillé de garniture clinquante, mais savoureux tout autant.

Pour faire monter le tout sans levure chimique, le metteur en scène entremêle les monologues de Christopher (seul ou accompagné de la voix réconfortante de son enseignante, merveilleuse Catherine Dajczman, dans sa tête) et les scènes de groupe où le talent de l'ensemble de la distribution explose.

Du reste, éclairages, vidéos, trappes au sol et cubes multiusages constituent les ustensiles bien affûtés du parfait cuistot ici.

Cet excellent spectacle, concluant l'année chez Duceppe, laisse entrevoir une direction nouvelle, une équipe très affairée en cuisine, et un menu plus raffiné, si l'on en croit la programmation dévoilée cette semaine avec, enfin, un soupçon d'audace.