L'argent n'est pas une utopie, même au théâtre expérimental. Utopie(s), un spectacle hors norme qui désirait célébrer la diversité des femmes d'ici, aura finalement lésé ses interprètes.

Après la décision arbitrale spécifiant que le producteur n'a pas respecté l'entente entre l'Union des artistes (UDA) et l'Association des compagnies de théâtre (ACT), huit des 13 interprètes ont décidé de rendre public, hier, leur grief contre la compagnie Volte 21 et Hanna Abd El Nour. Le producteur du spectacle présenté à l'Arsenal en février dernier doit près de 50 000 $ aux actrices et à la Caisse de sécurité de l'UDA pour leur travail sur cette production (répétitions et représentations).

«Depuis cet automne, nous nous sommes engagées dans un projet d'envergure, une oeuvre théâtrale de 12 heures», déclarent les auteures d'une lettre ouverte envoyée aux médias hier. Elles se décrivent comme «huit femmes en colère d'avoir été dupées sur le contenu, le fonctionnement, la rémunération, les exigences physiques et émotionnelles de cette production».

Selon les signataires de la lettre, le metteur en scène d'Utopie(s), Hanna Abd El Nour (anciennement directeur artistique du Théâtre de l'Urd à Québec), aurait fait l'objet de plusieurs plaintes à l'UDA. Finalement, le 8 mars, elles ont décidé de ne pas donner de représentation, en signe de protestation, et de mettre fin à leur participation à la production. Il semble qu'il n'y ait jamais eu ruée aux guichets... Toutefois, la production a reçu des subventions du Conseil des arts du Canada et du Conseil des arts de Montréal, ainsi que le soutien de la Fondation Cole et de l'Arsenal.

Représentant les producteurs de spectacles de théâtre dont fait partie Volte 21, l'ACT a signé une entente collective avec l'UDA pour tenter de régler ce conflit sans passer devant le Tribunal du travail. Le producteur devait payer les artistes selon «des échéanciers de remboursement réalistes», explique Jacques Verret, qui s'est occupé du dossier à l'UDA. Or, mercredi, date limite pour le premier versement, le producteur n'avait pas encore déposé les premiers chèques prévus au bureau de l'UDA. D'où la sentence arbitrale contre Volte 21 et la décision des comédiennes d'alerter les médias hier.

«Dans les circonstances, nous avons décidé de déclarer Volte 21 producteur irrégulier. Il ne peut plus travailler avec des membres sous contrat UDA», indique Jacques Jobin, de l'Association des compagnies de théâtre.

Par courriel, le metteur en scène Hanna Abd El Nour a confirmé à La Presse les plaintes des huit actrices à l'UDA contre sa compagnie, Volte 21. «Il y a eu annulation du spectacle. Actuellement, il y a un processus légal qui se poursuit entre l'UDA et l'ACT, qui représente Volte 21, afin de trouver un règlement. Ce processus est confidentiel. Je ne peux rien vous confirmer», a-t-il précisé à La Presse.