Il y a deux ans, la dramaturge Annick Lefebvre a fait paraître un brûlot dans la revue de théâtre Jeu afin de réclamer une plus grande place pour les jeunes auteures et metteures en scène au théâtre. Même si elle note que des progrès ont été faits, elle croit que le combat doit se poursuivre.

Annick Lefebvre persiste et signe. La dramaturge et productrice milite toujours en faveur d'une plus grande place des femmes au théâtre.

Il y a deux ans, dans Jeu, elle accusait notamment Espace Go de faire du théâtre « bourgeois-mais-funky-pour-sauver-les-apparences ».

« Je ne regrette pas du tout ma lettre, même si j'ai de la peine d'avoir fait de la peine à des gens, dit-elle. Je reste quand même sur ma position que si je n'avais nommé personne, on aurait probablement été consensuellement d'accord sur le fait qu'il faudrait plus d'audace. Ce qui aurait, d'après moi, fait peu bouger les choses. »

Elle avoue que plusieurs personnes lui ont souligné que certaines autres salles à Montréal ne faisaient pas plus d'efforts qu'Espace Go pour programmer des femmes comme auteures ou metteures en scène.

« Je pourrais écrire un texte comme ça par théâtre, dit-elle. Ça dirait aussi : vous êtes en contradiction avec ce que vous dites faire. C'est même plus large que la question des femmes ; c'est celle des directions artistiques qui devraient peut-être avoir des mandats fixes. Ça ouvre une très grande boîte de Pandore. »

Elle croit que ce sont les actions des femmes, après la publication de sa lettre, qui ont fait en sorte que la saison théâtrale 2017-2018 offrait au public, comme par hasard, plus de productions écrites ou dirigées par des femmes.

« Je ne sais pas si cette lettre est arrivée à un moment où tout allait débouler. J'ai l'impression que oui. Je ne trouve pas que les choses se soient tant améliorées par rapport au lieu que je visais, mais c'est petit à petit que les choses se font. »

« Je me suis aussi impliquée dans Femmes pour l'équité en théâtre, poursuit-elle. C'est devant les faits concrets, les statistiques, qu'il y a eu une prise conscience de la part du milieu. C'est aussi dans l'air du temps : avec #moiaussi, il y a quelque chose de plus grand que le théâtre qui se passe socialement. »

Sortir des petites salles

À l'automne, la même semaine, quatre théâtres ont présenté les nouvelles pièces de Catherine Léger, Catherine Chabot, Marianne Dansereau et Sarah Berthiaume. 

Mais n'est-ce pas se tirer dans le pied que de procéder ainsi ? lui demande-t-on.

« Tant mieux si ces projets trouvent le chemin de la scène. Pour les prochaines saisons, j'imagine que les programmateurs vont vouloir beaucoup de paroles de femmes dans leur lieu. Ce serait la conséquence immédiate, mais il va falloir voir si, à long terme, on ne retourne pas dans un vieux pattern. »

L'auteure des Barbelés (qui ouvrira la prochaine saison du Quat'Sous après avoir été créée à Paris en novembre dernier) dit vouloir continuer de mettre son grain de sel pour que la roue tourne encore.

« Je reste à l'affût. C'est à voir. Les paroles de femmes s'exercent-elles seulement dans les petites salles ou est-ce aussi valable sur les grandes scènes ? Je crois que les filles ont surtout pris la place dans les petites salles. »

« La prochaine bataille sera du côté des metteures en scène, croit-elle. Il n'y en a pas tant que ça. On se rend compte que ce sont encore les hommes qui mettent en scène. Il faut aller chercher les femmes, sans solliciter les quatre mêmes pour ne pas les brûler. »