Rien n'est plus tragique que le comique, estimait Eugène Ionesco, le père du théâtre de l'absurde. Avec Les enfants d'Adam, l'auteure islandaise Auður Ava Ólafsdóttir nous plonge dans un univers dramatique et absurde, dans lequel les situations comiques sont intercalées de graves interrogations existentielles, de conflits entre les générations et autres questions sur le sens de la vie.

La production à l'affiche au Monument-National fait partie du cycle scandinave amorcé en 2015 par le Théâtre de l'Opsis. La compagnie et sa directrice artistique, Luce Pelletier, y abordent notre « nordicité commune » au Québec et aux pays de la Scandinavie. Avant de monter une pièce suédoise l'hiver prochain, la metteuse en scène nous fait découvrir Les enfants d'Adam, pièce atypique de la romancière islandaise qui avait signé Rosa candida, et qui est présentée ici en première nord-américaine.

L'histoire tourne autour d'Élisabeth, de ses trois enfants et de son gendre (qu'elle méprise), le temps d'un brunch dominical pas comme les autres. Sauf pour son fils unique et adoré ­ - Mikhaël, qui vit depuis quelques années à l'étranger -, la mère, âgée et veuve, est devenue un fardeau pour ses enfants. Leur unique préoccupation est de savoir si elle a bien pris ses médicaments... Or, Élisabeth (exquise Dorothée Berryman !) les a convoqués pour une raison précise. Elle a enfin décidé de s'épanouir et de ne plus jamais dépendre de sa progéniture. Pour le meilleur et pour le pire.

TRIBU DYSFONCTIONNELLE

Les personnages ont tour à tour de drôles de raisonnements qu'on pourrait résumer par cette réplique de la fille cadette : « On s'attend à une chose et la vie nous en envoie une autre... » Si Adam est mort et s'illustre par son absence, on en parle constamment. Comme si le passé avait échappé à cette tribu dysfonctionnelle, et qu'il lui fallait attendre la libération de la mère pour faire face à la réalité. D'ailleurs, les révélations d'Élisabeth sur son mari « très habile de ses mains » feront éclater l'identité et le vernis de cette famille conformiste.

Luce Pelletier semble avoir eu de la difficulté à tracer une ligne dramatique claire à ce texte totalement déjanté.

La structure éclatée, avec ses multiples couches et nombreuses ruptures de ton, est illustrée par des monologues au micro adressés au public et des chorégraphies loufoques et endiablées. Agréables et surprenants au début, ces recours à répétition aux pas de danse et à la musique techno finissent par lasser.

Heureusement, tout le quintette d'interprètes - Dorothée Berryman, Anne-Élisabeth Bossé, Daniel Parent, Sébastien Dodge et Marie-Ève Pelletier - est à la hauteur de cette partition difficile.

Au final, on a droit à une soirée étrange et amusante, mais qui nous laisse sur notre faim.

Les enfants d'Adam 

D'Auður Ava Ólafsdóttir

Mise en scène de Luce Pelletier

Au Studio Hydro-Québec du Monument-National, jusqu'au 8 octobre

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