Dans le cadre d'À nous la scène, programmation du 375e anniversaire de Montréal, la troupe Menuentakuan reprend sa pièce Muliats, qui connaît un succès imprévu.

Provoquer la rencontre, les échanges, déjouer les clichés, dépasser le ressentiment. La pièce Muliats tente de combler le gouffre qui existe encore parfois entre autochtones et non-autochtones au Québec.

Et ça marche! Après sa deuxième présentation à Montréal en deux ans, la pièce partira en tournée partout au Québec jusqu'en mai 2018 au moins.

«C'est capoté à quel point on a un bon accueil avec ce show-là, dit l'auteur et metteur en scène Xavier Huard. Les gens qui vivent dans les communautés autochtones ou près d'elles veulent voir Muliats. Ils ont besoin d'un théâtre qui rassemble, qui brise les préjugés. On recrée l'agora.»

«On se sert de cette initiative pour se parler vraiment, se rencontrer. On n'est pas un théâtre éducatif, mais on le devient presque devant la méconnaissance qui existe toujours», complète Marco Collin, auteur et acteur.

La pièce décortique le racisme autant entre autochtones et non-autochtones qu'entre autochtones, explique Xavier Huard.

«Tout le monde est amérindien ces temps-ci, alors pourquoi on n'en parlerait pas? Peut-on parler de nous sans parler d'alcool, de cigarettes et de Lasagne? On a une belle chance avec la nouvelle génération, je crois. Il y a une mouvance autochtone artistique. Il y a une vague. On est partout. Mais le climat reste bizarre», note Marco Collin.

Un Amérindien dans la ville

La pièce raconte l'arrivée d'un Innu de Mashteuiatsh à Montréal (Muliats en innu). Malentendus, quiproquos s'ensuivent, mais la pièce reste dans le registre comique.

«C'est important d'avoir une rencontre qui n'est ni de la confrontation ni de la tragédie. C'est un party, notre show. On utilise beaucoup l'humour», note Xavier Huard.

La pièce comprend notamment du texte en innu non traduit, soulignent les coauteurs.

«On n'a pas besoin de comprendre l'innu pour comprendre ce qui se passe. Ce n'est pas un spectacle difficile à suivre. C'est important d'entendre cette langue unique au monde parce que tous ses locuteurs vivent sur le territoire québécois et un peu au Labrador», dit le metteur en scène.

Muliats est l'oeuvre d'un collectif d'auteurs et est interprétée par quatre acteurs: Marco Collin, Soleil Launière, Christophe Payeur et Étienne Thibeault.

Reconnaissance

Histoire urbaine, moderne donc, qui n'oublie pas, qui mise sur la connaissance et la reconnaissance de l'autre.

«On est condamnés à vivre ensemble. En 1492, Christophe Colomb n'a pas découvert l'Amérique. Des Amérindiens ont découvert Christophe Colomb perdu dans le bois», dit en riant Marco Collin.

Mais les autochtones ont toujours de la difficulté à être représentés sur scène autrement que par des clichés.

«Si le théâtre et la télé sont javellisés, les jeunes autochtones continueront de penser que ce n'est pas possible pour eux de faire ce métier. Dans le spectacle, on a ratissé large pour avoir des gens, tant sur scène qu'en coulisses, qui sont autochtones.»

Le nom de la troupe Menuentakuan signifie «prendre le thé ensemble, se dire les vraies choses dans le plaisir et la bonne humeur». Quelque chose comme la réconciliation?

«Il y a plein d'activités en ce sens, dit Marco Collin, mais c'est encore à la sauce blanche. C'est bien de faire des petits pas, mais c'est clair que nous, on ne fête pas le 375e ou le 150e du Canada, parce que des gens vivaient ici avant. On participe à la fête parce qu'on est de bons vivants.»

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Muliats est présentée du 4 au 15 juillet au Théâtre d'Aujourd'hui.