Famille, politiciens et «camarades» de jeu de «la Notre-Dame-du-Théâtre» se sont rassemblés, lundi après-midi, pour offrir leurs adieux à la grande comédienne Janine Sutto à l'occasion de ses funérailles officielles qui étaient célébrées à l'église Saint-Germain, dans l'arrondissement Outremont, à Montréal.

Soulignant aussi bien sa passion du théâtre que sa générosité pour la culture québécoise et son franc-parler, plusieurs ont dit à quel point le prochain soir de première auquel ils assisteraient serait différent. Mme Sutto, qui s'est éteinte le 28 mars à l'âge de 95 ans, fréquentait toujours, ces dernières années, les théâtres.

Sa petite-fille Sophie, qui l'accompagnait bien souvent lors de ces soirées, a d'ailleurs évoqué, face à la foule, en début de cérémonie, son «dernier plus beau moment» avec la célèbre interprète de Mademoiselle L'Espérance dans l'émission télévisée Symphorien : un marathon théâtral de quatre jours au cours desquels elles ont vu cinq pièces de théâtre.

«C'est comme si on vient saluer l'apparition d'un grand vide», a pour sa part confié le comédien Guy Nadon alors qu'il s'apprêtait à entrer dans l'église, saluant le passage d'une femme «avec des exigences qui continuent à définir beaucoup de choses dans le métier».

C'est l'archevêque de Montréal, Christian Lépine, qui présidait la cérémonie, partageant le micro notamment avec le comédien André Robitaille, ami de Mme Sutto, qui agissait à titre de maître de cérémonie. De nombreux artistes ont pris la parole - tels que les metteurs en scène Louise Latraverse et René-Richard Cyr ainsi que les comédiens Roger Larue et Catherine de Léan.

Dans son allocution, René-Richard Cyr a insisté, la voix tremblante d'émotion, sur «l'immense respect» qu'avait Janine Sutto «pour tous les publics», se permettant «de prétendre» que toutes les personnes réunies dans l'église Saint-Germain d'Outremont sont «ses fils et ses filles».

Plusieurs politiciens présents

Des politiciens étaient aussi de l'événement: le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, le chef de l'opposition officielle, Jean-François Lisée, le maire de Montréal, Denis Coderre, et la ministre fédérale du Patrimoine, Mélanie Joly, ont été vus dans l'assistance.

Le premier ministre Couillard a parlé d'une «petite grande femme» qui «inspire le plus grand des respects», et a dit espérer que son legs servira «de baume pour la peine que nous éprouvons». Il a aussi rappelé l'engagement de Mme Sutto envers sa fille handicapée Catherine, décédée il y a quelques années.

Plus tôt, sur le parvis de l'église, la prédécesseure de M. Couillard, Pauline Marois, avait relevé que Mme Sutto avait tracé la voie pour bien des femmes qui foulent les planches. «D'abord, elle est allée dans toutes les perspectives (...), elle ne s'est pas limitée à un style (...) et elle a su prendre sa place alors qu'elle était toute fragile, toute petite. Elle ne laissait pas sa place, elle la prenait.»

Mme Sutto laisse dans le deuil sa fille, la comédienne Mireille Deyglun, son gendre, l'ancien journaliste Jean-François Lépine, et ses deux petits-enfants, Félix et Sophie Lépine.

Catherine Major a interprété, seule au piano, Notre sentier de Félix Leclerc, un homme que Mme Sutto avait bien connu alors qu'ils habitaient tous les deux à Vaudreuil. Puis, André Robitaille a demandé aux membres de la famille de venir dire quelques mots. Jean-François Lépine a souligné que Mme Sutto «voulait que l'on souligne son oeuvre avec simplicité - ce n'est pas tout à fait réussi...».

«Il faut se battre pour être heureux»

Sophie Lépine a rappelé de bons souvenirs et quelques petites leçons de vie : «Il faut se battre pour être heureux (...) Il faut critiquer pour avancer», comme disait sa grand-mère. «Mon Dieu que c'est triste Orly, avec ou sans Janine», a laissé tomber la jeune femme, paraphrasant Brel. Le grand Jacques que la comédienne Kathleen Fortin, qui était elle aussi des Belles-Soeurs, est venue emprunter encore pour La Chanson des vieux amants.

Le petit-fils de Janine Sutto, Félix Lépine, a rappelé quant à lui à quel point les 25 dernières années de sa grand-mère auront marqué «dans sa chair ses 25 premières années» à lui.

André Robitaille a ensuite peiné à reprendre le cours de la cérémonie, marquant une pause pour tenter de ne pas céder à l'émotion. «Elle serait fâchée contre moi présentement», a-t-il dit avec une pointe d'humour, faisant ainsi allusion au franc-parler de celle qu'on a notamment pu voir dans «Les Belles-soeurs» et pour qui la rigueur au théâtre était d'une importance capitale.

Au sortir de l'église, la comédienne Béatrice Picard a salué l'«ovation» consacrée à Mme Sutto, ajoutant que «le soleil (s'était) mis de la partie» et jugeant que la principale concernée aurait sans aucun doute aimé cette journée.

Interrogée quant à un souvenir marquant avec Janine Sutto, Mme Picard a évoqué une fois où cette dernière était venue la voir en coulisses après une représentation.

«Elle est venue me voir et m'a dit "Écoute, Béatrice, des fois je ne t'aimais pas tout le temps, mais ce soir tu étais très bonne". Ça m'a tellement fait chaud au coeur, parce que c'est une femme qui était très franche. Venant d'elle, ça m'a fait un grand plaisir, (je l'ai pris comme) un petit plaisir de la vie (...) grâce à Janine.»

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Janine Sutto en octobre dernier.