Trente ans après la sortie et le sacre du Déclin de l'empire américain de Denys Arcand, le metteur en scène Patrice Dubois et l'auteur Alain Farah planchent sur l'adaptation du long métrage pour la scène d'Espace Go en février 2017. Un ambitieux exercice qui a poussé les deux complices à repenser le mythique souper au chalet à travers les yeux de quarantenaires d'aujourd'hui.

Du rejet de la religion à l'effritement du sens commun jusqu'au retour souhaité de la famille et de l'amour ainsi que la terreur engendrée par l'Autre, comment les quarantenaires de 2016 aborderaient-ils les thèmes illustrés par Arcand en 1986? C'est la question à laquelle Patrice Dubois et Alain Farah tenteront de répondre dans leur adaptation au théâtre du long métrage Le déclin de l'empire américain.

Le projet a germé dans l'esprit du comédien, metteur en scène et directeur artistique du Théâtre PàP lors d'un souper entre amis. «J'ai constaté que nos questionnements, nos blagues sur la famille, notre cynisme par rapport à la politique, notre regard sur la société faisaient écho à quelque chose que je connaissais. J'ai relu le scénario original du film d'Arcand et je me suis rendu compte que les personnages avaient mon âge», explique Patrice Dubois.

Le metteur en scène a alors décidé de porter lui-même ce projet d'adaptation et de faire appel à Alain Farah pour l'aider dans son entreprise.

«Je me demandais comment on allait faire. Je n'ai pas quatre amis de mon âge qui sont professeurs à l'université et je ne suis surtout pas propriétaire d'un chalet sur le lac Memphrémagog!, lance d'entrée de jeu Alain Farah. On ne pouvait pas travailler avec des professeurs qui, à 40 ans, avaient déjà leur permanence et gagnaient bien leur vie. La première question a été: qu'est-ce qu'on leur fait faire?»

Les deux complices se sont alors lancés dans une réflexion globale sur la génération X en la comparant à celle des baby-boomers du film de Denys Arcand.

«Les personnages du Déclin font partie d'une élite ayant les mêmes codes. Aujourd'hui, on ne peut regarder notre société de cette manière: elle est plus multiple en ce qui concerne ses origines ou ses influences. Les enfants de la loi 101 cohabitent avec des personnes aux valeurs religieuses et traditionnelles différentes», précise Patrice Dubois.

Époques différentes

Des époques différentes, donc, mais pourquoi ne pas repartir à zéro pour aborder les interrogations de la génération X?

«Il était intéressant d'établir un dialogue. On prend quelque chose qui est près de nous et on raconte l'histoire autrement. On joue d'ailleurs là-dessus: la pièce part de la même scène d'ouverture que le long métrage, mais on malmène l'hypothèse de départ que la société est en déclin», lance Alain Farah. «Mais on ne pouvait pas faire un film qui parle d'infidélité sans l'être par rapport à la matière première!», ajoute-t-il à la blague.

Contacté par Patrice Dubois, Denys Arcand n'a pas hésité un instant à laisser le metteur en scène se réapproprier son film pour le porter au théâtre.

«Je lui ai dit qu'on allait s'emparer de l'oeuvre, mais sans la maintenir sous une cloche de verre. Il nous a donné pleine licence, comme lui a toujours voulu l'avoir dans sa carrière», précise Patrice Dubois.

PHOTO FOURNIE PAR JEAN-FRANÇOIS BRIÈRE

Le metteur en scène Patrice Dubois et l’auteur Alain Farah vont présenter l’adaptation du film Le déclin de l’empire américain au théâtre Espace Go l’an prochain.

Prémisse changée

Si les deux auteurs ont gardé la structure du Déclin de l'empire américain, ils en ont tout de même modifié la prémisse. Au printemps 2017, des amis universitaires vont, tout comme dans le long métrage, se réunir autour d'un repas bien arrosé.

«Il était évident qu'on était les enfants de cette génération de baby-boomers, mais nous sommes aussi les parents des enfants du 11-Septembre. Nos enfants sont ceux de cette nouvelle Amérique du millénium, de ce nouveau regard, de cette nouvelle façon d'appartenir à l'Amérique en tant que Québécois», croit le metteur en scène et comédien Patrice Dubois.

Pour Alain Farah, «le 11-Septembre est le Mai 68 des personnages d'Arcand. Les choses sont peut-être moins linéaires que ça dans le rapport à l'histoire et aussi dans celui qu'on a à nos parents et à nos enfants», dit-il.

Du côté de la distribution, le metteur en scène a choisi de faire appel à neuf de ses fidèles collègues comédiens qui prendront place à table avec lui: Sandrine Bisson, Dany Boudreault, Marilyn Castonguay, Éveline Gélinas, Alexandre Goyette, Simon Lacroix, Bruno Marcil et Marie-Hélène Thibault.

«J'avais envie de travailler avec des comédiens qui avaient une grande expérience de scène. J'avais aussi envie de corps différents. Le texte suinte le sexe, on doit sentir la beauté des corps différents, de celui qui est jeune, qui vieillit», précise Patrice Dubois, qui incarnera Patrice, le personnage défendu par Rémy Girard au grand écran.

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La pièce sera présentée à Espace Go du 28 février au 1er avril 2017.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Geneviève Rioux, Dorothy Berryman, Louise Portal et Dominique Michel dans Le déclin de l’empire américain de Denys Arcand