«J'en ai plein le cul de voir toujours les mêmes visages!» Pierre Lapointe n'a pas digéré que Radio-Canada «tire la plogue» de Stéréo pop, qu'il coanimait avec Claudine Prévost l'automne dernier. Exprimée sur le plateau de Tout le monde en parle dimanche, sa colère s'est traduite par une virulente sortie sur le manque de vision culturelle de Radio-Canada, saluée par bon nombre d'internautes sur les réseaux sociaux.

Enfin, quelqu'un osait le dire en pleine télé publique, se sont dit plusieurs.

En plein débat sur Les échangistes, la nouveauté de Pénélope McQuade décriée pour son contenu populiste, le discours de Lapointe a trouvé écho chez les partisans d'une télé publique plus élitiste. Ironiquement, au même moment, le public récompensait «toujours les mêmes visages» au Gala Artis, et Éric Salvail, qui produit Les échangistes, y pourfendait les intellectuels qui regardent de haut la télé de divertissement.

Selon Pierre Lapointe, Radio-Canada a bousillé le concept de Stéréo pop en l'obligeant à recevoir des «A» - ou, si vous préférez, les plus grosses vedettes de l'heure. «Les osties de "A", j'en ai plein le tabarnac de cul, parce que ça finit par faire une TV aseptisée», a-t-il dit, furieux, après avoir précisé qu'il était lui-même un «A».

«J'ai réalisé que la télé n'est pas un milieu créatif. La télé est un milieu de politique et de patronariat.»

Sur le fond, Pierre Lapointe soulève des questions légitimes. Une chose n'a cependant rien à voir avec le mandat de Radio-Canada: l'artiste conserve un goût très amer de son expérience à Stéréo pop, et serait en grande partie responsable des vives tensions vécues à l'interne.

Plusieurs sources rapportent que Pierre Lapointe était «ingérable» et qu'il ne supportait pas que la direction s'ingère dans le produit final.

Désaccords artistiques

Alors que Radio-Canada était pleinement satisfaite de l'émission pilote, qu'avait réalisée Yannick Savard (Deux hommes en or, Une histoire vraie), Pierre Lapointe a insisté pour changer de réalisateur, sans l'accord de la haute direction, pour en imposer un autre, Jean-François Poisson, qui a étudié en arts visuels. C'est là que les tensions ont commencé entre les deux parties.

Toujours selon nos sources, l'artiste préférait écouter les conseils des concepteurs de ses pochettes d'albums et de ses vidéoclips plutôt que de s'en remettre à l'équipe de production, qui s'y connaît en télé.

L'insatisfaction du chanteur a culminé le jour de la projection de presse des premières émissions. Tout juste avant l'entrée des journalistes, furieux, Pierre Lapointe a invectivé une des cadres de la boîte, lui disant de ne plus jamais mettre les pieds sur son plateau. Celle-ci aurait quitté les lieux en larmes. Puis, en fin de saison, au moment d'un bilan avec la production, le chanteur a quitté la réunion en colère, insatisfait des propos tenus.

Parmi ceux qui ont accepté de nous parler, personne n'a voulu être identifié. Stéréo pop n'a connu qu'une demi-saison à l'automne, ne ralliant que 265 000 fidèles le vendredi à 20 h. Le diffuseur a plutôt choisi de renouveler l'émission Virtuose, animée par Gregory Charles, une compétition de jeunes prodiges en musique classique.

Le vice-président principal du diffuseur public, Louis Lalande, a répliqué à Pierre Lapointe dans une lettre ouverte intitulée «Culture: non, Radio-Canada ne dort pas au gaz». «Malgré tout le respect que je porte à l'artiste Pierre Lapointe, je me dois de répondre au jugement sans nuance qu'il porte avec émotion sur la culture à Radio-Canada», écrit-il. Il rappelle que, depuis son entrée en poste, la directrice générale Dominique Chaloult a voulu ramener la culture à l'antenne avec des titres comme Stéréo pop, Virtuose et Esprit critique.