Après deux productions qui ont connu un vif succès à Québec, en 2013 et en 2015, la pièce Trainspotting arrive enfin au Prospero à Montréal. Entretien avec Marie-Hélène Gendreau, qui signe la mise en scène à partir du texte traduit par Wajdi Mouawad.

Ceux qui ont vu le film de Dany Boyle ou lu le roman d'Irvine Welsh, au milieu des années 90, ont tous gardé une solide impression de Trainspotting. L'oeuvre coup-de-poing représentait le cri du coeur des jeunes laissés-pour-compte du néo-libéralisme. Le No Future de la génération X et perdue d'Écosse.

Outre le film et le roman, paru en 1993, il y a aussi une pièce écrite par Harry Gibson, dont Wajdi Mouawad avait fait une adaptation en 1998, afin de la produire au Quat'Sous. Quinze ans plus tard, un jeune collectif d'acteurs de Québec - Jean-Pierre Cloutier, Lucien Ratio, Charles-Étienne Beaulne et Claude Breton-Potvin - a repris ce texte pour en faire un spectacle récompensé et acclamé par la critique et le public, lors de sa création au Théâtre Premier Acte en 2013.

Pour diriger cet univers sombre, violent et très masculin, la compagnie est allée chercher une femme : la metteure en scène et comédienne Marie-Hélène Gendreau. Celle-ci s'est donné le défi « d'allumer des flammes », et de faire jaillir des « pointes de lumière » dans le récit de ces jeunes héroïnomanes.

« La société doit arrêter de se mettre la tête dans le sable. Elle a une responsabilité envers les jeunes toxicomanes qui décrochent. Ce sont nos enfants qu'on échappe comme société. »

- Marie-Hélène Gendreau

L'oeuvre est dure, mais aussi traversée d'un ludique nihilisme. Un personnage qualifie les Écossais de « peuple de merdeux qui n'a même pas été foutu d'être conquis par une race supérieure » ! Tout parallèle avec un peuple qui vit sous un autre méridien est le fruit de votre imagination...

DES PERSONNAGES EN QUÊTE D'EXCÈS

Sous la baguette de Gendreau, des scènes de la pièce ont été remodelées et des personnages secondaires supprimés, pour se concentrer sur l'épopée des protagonistes : Sick Boy, un cinéphile tombeur, Begbie, désaxé et violent, Tommy, un dépendant sexuel, Alisson, toxicomane, et Mark, qui tente de se guérir de sa dépendance à l'héroïne.

Mark est le plus rusé, le plus intelligent du groupe. Il séduit les filles et se gèle pour faire renier les conventions de la société, aux responsabilités de la classe moyenne prise dans l'engrenage de la consommation à outrance.

Au chômage, comme bien des jeunes Écossais au début des années 90, Mark Renton traîne dans la banlieue d'Édimbourg et consomme donc pour tromper l'ennui et rendre sa vie plus supportable.

NE PAS JUGER

Pour la metteure en scène, il était important d'éviter les jugements et les stéréotypes par rapport aux jeunes toxicomanes et aux marginaux. Son but : aller chercher la vérité dans l'oeuvre pour toucher un public mixte, formé autant d'amateurs de théâtre que de jeunes de la rue. En souhaitant que les uns et les autres soient touchés en voyant Trainspotting.

Le destin lui a donné raison. Il y a trois ans, Sébastien Delorme s'est pointé avec son billet à une représentation dans une petite salle de Québec. Le jeune de 25 ans n'avait pas dormi de la nuit et était complètement intoxiqué au crystal meth, entre autres substances. Il avait promis aux intervenants du centre de désintoxication de faire une activité culturelle pour l'aider dans sa cure. Sans se douter qu'il allait rechuter trois jours avant d'aller au théâtre...

Or, son expérience a été plus que concluante. À la sortie de la pièce, Sébastien s'est promis de ne plus toucher à la drogue. Il est sobre depuis trois ans et a même conseillé l'équipe pour la reprise de Trainspotting, l'an dernier, à La Bordée. 

« C'est un cadeau pour une artiste de voir que notre travail est utile, explique la metteure en scène. L'infirmière qui rentre au travail, elle est sûre qu'elle aide des gens. Nous on s'investit, mais on ne sait pas quelles répercussions ça va avoir. »

Trainspotting, au Théâtre Prospero du 26 avril au 14 mai.