Icône glamour, star du cinéma, réalisatrice, auteure, mannequin, intello, Isabella Rossellini est l'anti-bimbo par excellence. La Presse l'a rencontrée quelque temps avant son spectacle à Montréal, alors qu'elle se rendait au Hunter College de New York, où elle poursuit, à 63 ans, un doctorat en éthologie. Iconoclaste, dites-vous?

La plus New-Yorkaise des Italo-Suédoises se réveille à la campagne depuis près de cinq ans, maintenant. Celle qui avait fait de New York son port d'attache depuis la fin de l'adolescence a eu besoin de prendre un peu de distance par rapport au brouhaha permanent de la ville. «À Manhattan, je n'arrivais plus à me concentrer», dit-elle.

Elle habite désormais Long Island, tout près de l'océan. C'est là qu'elle récolte le miel de ses abeilles, étudie pour son doctorat en éthologie (le comportement des animaux), planche sur les courts métrages de sa série Green Porno et prépare ses rôles qui, à sa grande surprise, se font de plus en plus nombreux.

«C'est étrange. Je pense que cela tient en partie au succès de Joy [film de David O. Russell avec Jennifer Lawrence et Robert De Niro], qui a rappelé aux gens mon existence. Cela a un effet boule de neige», confie-t-elle.

Les contrats reviennent

Sa mère, l'immense actrice Ingrid Bergman, l'avait prévenue: «Ma maman m'avait dit qu'à un certain âge, il devient plus difficile de décrocher des rôles. Vers 50-55 ans, on n'est plus assez jeune pour jouer l'objet du désir et on n'est pas assez âgée pour jouer la vieille. Maintenant, je suis assez âgée, les offres affluent de nouveau, mais ce sont généralement des rôles de matriarches désagréables!», dit-elle en pouffant de rire.

Même si elle prend les années avec une grâce peu commune, Rossellini n'a pas été épargnée par le rouleau compresseur du jeunisme. On se souviendra que la marque Lancôme avait sèchement mis fin à son contrat de porte-parole dans les années 90 après une collaboration de 14 ans.

Ironiquement, Isabella Rossellini vient tout juste de signer un nouveau contrat avec Lancôme afin de redevenir un des visages de la marque.

«Les choses changent enfin. Cela fait très longtemps qu'il y a une frustration à l'égard du monde de la mode et de la beauté, qui n'utilisent que des jeunes femmes pour les représenter.»

Sobrement vêtue de noir de la tête aux pieds, Isabella Rossellini a le rire et le sourire faciles. Archétype du glamour, elle ne s'est toutefois jamais laissée emprisonner par son image, et elle n'a pas eu peur d'embrasser des projets risqués.

On l'a ainsi vue jouer le rôle d'une cul-de-jatte dans l'univers délirant du réalisateur canadien Guy Maddin, poser pour le dévergondé livre Sex de Madonna ou se transformer en escargot sado-maso dans sa série vidéo Green Porno.

Une conférence loufoque

Le spectacle Bestiaire d'amour, qu'elle vient présenter à Montréal, est d'ailleurs directement inspiré de ses vidéos, qu'elle a commencé à réaliser à la fin de 2007. À l'époque, Robert Redford l'avait invitée à produire des courts métrages pour le web. Fascinée par le monde animal, elle s'était mise à concocter de drolatiques et «bédéesques» capsules dépeignant les bizarreries sexuelles de nos amies les bêtes.

À sa grande surprise, ses capsules ont créé le buzz. Quarante clips et quelques années plus tard, c'est une autre grande star du cinéma qui lui a suggéré d'adapter son concept à la scène. «Carole Bouquet m'a conseillé d'en faire une sorte de conférence, mais une conférence loufoque», précise-t-elle.

C'est ainsi que son Bestiaire d'amour a vu le jour en français, avant d'être traduit en anglais et en italien. Elle l'a déjà présenté dans plus d'une quarantaine de villes.

Une étudiante atypique

À l'origine, l'actrice avait élaboré le concept de Green Porno parce que les offres d'emploi se faisaient rares. «Comme personne ne voulait m'embaucher, j'ai créé mon propre boulot», résume-t-elle. C'est autour de la même période qu'elle a entamé son doctorat en éthologie - un doctorat qu'elle n'a toujours pas réussi à finir.

Il faut dire qu'Isabella Rossellini n'est pas une étudiante comme les autres. L'an dernier, elle a dû sécher ses examens parce qu'elle était retenue par un tournage à Boston.

Comment les jeunes étudiants réagissent-ils en découvrant Isabella Rossellini dans leurs cours? «Ils s'en foutent complètement, ils ne savent même pas qui je suis. S'ils étaient des étudiants en cinéma, ce serait peut-être différent, mais là, ils n'en ont que pour les bestioles qu'ils étudient», conclut-elle en riant, avant d'aller les rejoindre sur les bancs de l'université.

En attendant de décrocher son diplôme du Hunter College, la comédienne recevra un doctorat honorifique de l'Université du Québec à Montréal, cet après-midi, pour sa contribution au septième art et son amour contagieux des bêtes.

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À la Cinquième Salle de la Place des Arts les 15 et 16 avril.

PHOTO FOURNIE PAR LA PLACE DES ARTS

Le spectacle Bestiaire d'amour, qu'Isabella Rossellini vient présenter à Montréal, est directement inspiré des vidéos de la série Green Porno, qu'elle a commencé à réaliser à la fin de 2007.