Le dramaturge libano-canadien Wajdi Mouawad, nommé mercredi à la direction du Théâtre national de la Colline, l'une des plus grandes scènes de France, est l'auteur d'un théâtre tantôt lyrique tantôt intimiste, profondément marqué par l'exil et la question de la filiation.

Wajdi Mouawad, 47 ans, succède à Stéphane Braunschweig, nommé en décembre au Théâtre de l'Odéon moins de trois semaines après le décès de son directeur Luc Bondy, une nomination qui a été jugée précipitée dans les milieux du théâtre.

Le choix de Wajdi Mouawad à la tête de ce théâtre basé dans l'est de Paris ne devrait pas faire débat, compte tenu de sa réputation internationale.

En le nommant, le ministère de la Culture renoue en quelque sorte avec les origines de La Colline: c'est un grand metteur en scène étranger, Jorge Lavelli, qui avait pris les rênes de ce théâtre dédié aux écritures contemporaines à sa fondation en 1988. La Colline est un des six théâtres nationaux français (avec la Comédie-Française, l'Odéon, Chaillot etc.).

«Cette nomination d'un auteur vient affirmer le choix d'un théâtre du récit, lyrique, populaire et métissé», indique le communiqué de la ministre Audrey Azoulay, dont c'est l'une des premières annonces depuis son arrivée à la faveur d'un remaniement ministériel en février.

Bien qu'installé au Québec depuis 1983, Wajdi Mouawad a des liens solides avec la France, où il a passé son enfance et son adolescence.

Artiste associé du prestigieux Festival international de théâtre d'Avignon en 2009, il avait tenu en haleine le public onze heures d'affilée avec la saga du Sang des promesses (Littoral, Incendies, Forêts, Ciels). Incendies a été ensuite adapté au cinéma par le réalisateur Denis Villeneuve et a emporté plusieurs prix. Il est associé depuis 2011 au Théâtre du Grand T. à Nantes.

Wajdi Mouawad se met parfois en scène dans ses pièces plus intimes (Seuls) comme un homme vulnérable, chevelure bouclée abondante et fines lunettes, en prise avec les interrogations de la vie.

Grandes épopées

À côté des grandes épopées, il a signé une série «Domestique», où il remonte le fil de son histoire familiale, du départ du Liban enfant, à l'adolescence en France puis l'installation en 1983 au Québec qui accorde à la famille ses papiers.

«Rien ne me déprime plus que lorsque l'on me demande pourquoi je suis si obnubilé par la question de l'identité», avait-t-il confié dans un entretien en 2013. «Je dirais que je suis beaucoup plus habité par la peur et la crainte de perdre la passion et la pureté qui m'habitaient lorsque j'étais adolescent».

Il est l'auteur d'une bonne partie de la pièce événement Phèdre(s) avec l'actrice française Isabelle Huppert actuellement à l'affiche du Théâtre de l'Odéon, dans une mise en scène de Krzysztof Warlikovski avec qui il collabore régulièrement.

Wajdi Mouawad a signé une vingtaine de textes pour le théâtre et se consacre aujourd'hui à porter au plateau les sept tragédies de Sophocle, dont une intégrale a été donnée à Mons en Belgique (capitale européenne de la culture en 2015).

Il a également travaillé avec des adolescents dans le projet Avoir 20 ans en 2015 auquel ont participé 50 jeunes de Mons, Namur, Nantes, Montréal et l'île française de La Réunion.

Dans son projet pour le Théâtre de la Colline, «il fait le pari de réunir créateurs, auteurs et penseurs qui voudront révéler, notamment aux adolescents, la nature politique de l'écriture et la place fondamentale qu'elle peut avoir dans la vie publique», précise le ministère de la Culture.